3.12.09

| Se changer pour changer le monde |

Changer la société en commençant par se changer soi-même...

L'idée est séduisante mais purement Socratique. La liberté d'action ou de pensée ne suffisent pas, d'autant qu'elles ne sont que des vues de l'esprit, ou plutôt le fait d'interprétations personnelles et relatives. Ce qui manque dans la proposition de changement personnel, ou de révolution intérieure, c'est le modèle.

Qu'il soit ancien, adapté ou nouveau, c'est le modèle que cherchent tous ceux et celles qui désirent le changement. Il ne s'agit pas simplement de changer (le mécanisme) mais aussi de passer d'une forme à une autre, de changer vers quelque chose d'autre (la transformation). Et si l'exemplarité personnelle est un facteur incitatif du changement, il ne peut être force de loi par le fait de sa singularité. Plus simplement, ce qui est bon pour moi ne l'est pas nécessairement pour les autres.

Si le changement est à l'origine de la fabrication de l'espace et de la dynamique politiques, c'est sur les modèles et sur les contre-modèles que tout le monde se casse les dents : les politiciens, les philosophes, les sociologues, les intellectuels de toutes sortes, les idéologues et les oracles post-modernes. On ne produit que des fictions ou des interprétations limitées par les conceptions individuelles.

Jusque ici, on s'est servit de l'utopie et/ou de l'histoire pour fabriquer l'avenir souvent de manière mutuellement exclusive, l'un contre l'autre. Cette oscillation constante entre l'idéalisme (fiction du futur) et le matérialisme (interprétation du passé) n'a débouché que sur des révolutions factices, où une élite a remplacé une autre élite dans un schéma pyramidal qui confine au Moyen-Âge féodal. Et le plus souvent, ces déplacements de puissance se sont fait dans le sang et les larmes.

Car changer soi-même pour changer la société, c'est aussi changer pour changer les autres. Pourquoi vouloir changer les autres ? Pourquoi vouloir façonner la société à notre idée tout à fait personnelle ? N'y a-t-il pas là un antagonisme irréductible qui ne peut déboucher que sur la confrontation et la violence ? Ne faut-il pas repenser la notion même de changement à l'aune de cette nouvelle ère des flux et de la liquéfaction des relations humaines.

Les frontières s'effacent, les identités se dissolvent,
les cadres sont polymorphes et les représentations sociales deviennent protéiformes. Le tout s'opère de manière conjuguée à l'échelle planétaire provoquant toutes sortes de réactions spontanées et imprévues. Dans un tel monde, le passé et le futur deviennent des notions floues, indiscernables, vagues, susceptibles d'être modifiés par nos perceptions et nos projets.

Le changement serait donc une constante, pas un projet.
Et le projet serait une activité à la fois dirigée et instable. Il serait à écrire au quotidien en l'enrichissant de tous les échanges et du renouvellement. Il serait le produit de l'individu tout autant que de son dialogue régulier avec les autres. Peut-être est-ce cela le modèle de société pour l'avenir : réécrire tous les jours son identité, son projet existentiel, son histoire personnelle. Et par là réussir, non à changer le monde, mais à accepter les transformations du monde plutôt que de tenter vainement de résister au courant des métamorphoses.

Une telle conception ne reposera plus seulement sur la production et la recherche de modèles, mais surtout sur l'usage et l'échange. Elle suppose une réelle prise de conscience des données présentes, sans trop s'attacher à des rêveries futures et hypothétiques et en résistant modérément au poids des souvenirs et de l'histoire. Elle nécessite donc la combinaison de deux vertus : l'honnêteté et la responsabilité. Et bien qu'elles soient souvent absentes de notre milieu quotidien, ces vertus ne sont ni abstraites, ni symboliques. L'honnêteté comme la responsabilité sont des attitudes fondées sur une perception personnelle et intime. N'est-ce pas là le début d'une révolution intérieure ?

23.8.09

| La société de l'irréductible retard |

Lewis Caroll décrivait dans Alice aux pays des merveilles, un lapin à la fois étrange et familier. Ce lapin blanc est obsédé par le temps et est constamment en retard. Il passe le plus clair de ces apparitions à répéter qu'il est retard, qu'il est trop tard, que le moment est déjà passé. Bien souvent, en regardant autour de moi, j'ai la saisissante impression que Lewis Caroll décrivait ainsi et prophétiquement le devenir du monde moderne, et après lui, la société occidentale post-moderniste dans laquelle nous essayons tous de vivre.

Malgré tous les efforts déployés par les médias, les journalistes et la technologie de l'information pour raccourcir le délai entre le fait et sa relation au public, le retard reste irréductible et tout ce que nous voyons à la télé ou dans les journaux, ou même sur Internet appartient au passé au moment même où nous en prenons conscience. La radio reste le seul outil d'information en direct, en temps réel. Pourtant malgré l'engouement qu'elle connaît à nouveau, ce ne sont pas les programmes d'information en temps réel qui sont les plus prisés.

Alors même que le retard est perçu comme un handicap, voire comme une condition impolie et méprisable par notre société, il est totalement accepté quand il s'agit de ce que nous percevons de la réalité du quotidien. Et cette culture du retard semble avoir envahie la totalité de nos activités humaines au point que toute forme d'anticipation ou de prospective est considérée comme une absurdité et ressentie comme un risque. Personne n'aime les retards, ni être en retard, mais tout le monde se méfie des projections et des promesses de lendemains meilleurs.

Comme le lapin d'Alice, le nez rivé à la montre, nous poursuivons notre course folle à travers notre propre vie en ne considérant que le passé comme certitude et le retard comme une condition naturelle de la marche de l'univers. Ainsi, nous acceptons, tous, qu'il est déjà trop tard, que nous avons manqué le train et qu'il faut maintenant s'en accommoder et réagir en conséquence. C'est trop tard, alors tant pis. Passons à autre chose. Résignés et gagnés par les regrets, nous regardons avec nostalgie les hypothétiques solutions que nous aurions pu trouver pour des problèmes du passé et qui auraient, sans nuls doutes, changé, pour le meilleur, notre présent.

Cette disposition pour le retard porte une autre caractéristique en elle. Celle de l'érosion rapide, voire de la désintégration de l'espoir. A force de voir très bien ce que l'on a raté, ce que l'on n'a pas su régler à temps, il nous vient ce sentiment diffus et croissant, années après années, qu'il n'y a pas de moyen de faire les choses à temps. En dépit de nos efforts, souvent courageux, rien n'y fait, il est déjà trop tard. Aucune solution ne semble possible. Aucun projet ne va aboutir. Ce fatalisme invisible et souvent inconscient nous détourne de notre capacité toute simple à changer les choses dans le couple, dans la famille, dans le village ou le quartier. Par extension, il nous coupe de toute volonté de changer la société.

Dans une telle disposition d'esprit, je trouve logique, bien que totalement irrationnelle, l'obsession du lapin pour sa montre. Et il en va de même pour tout le reste dans notre monde apparemment réel, sérieux et rationnel. Tout le monde est obsédé par le temps, les délais, les plannings, les échéances... Et par là même, les dépassements, les retards, les ratages et les manquements se multiplient par légions plongeant notre petit univers rationnel dans le chaos et l'anarchie. D'ailleurs la crise financière actuelle n'est pas le fait de mauvais placements, ni d'une mauvaise anticipation des risques. Elle est essentiellement due à un problème de retards répétés et en chaînes.

Les banques ont prêté trop tôt à des familles et des couples qui étaient en retard dans la consolidation de leur situation financière, puis qui se sont retrouvés en retard pour rembourser les échéances. Les investisseurs ont demandé trop tôt aux banques des bénéfices sur ces prêts et ces dernières n'étaient plus capables de générer les fonds nécessaires dans les temps demandés. Et d'un même mouvement, tout le monde s'est mis à exiger d'être payé sans délai des sommes imparties. Manquant de temps pour trouver des solutions et mettre en œuvre des mécanismes pour reconstituer des pertes et étaler les paiements, tous les acteurs économiques se sont volontairement mis dans une situation de crise. D'un moment à l'autre, tout le monde a décidé qu'il était trop tard.

Cet enchaînement est typique de toutes les crises. Mais ce qui reste inconscient c'est le processus. Tout le monde, comme le lapin blanc, pense que c'est la faute de la montre qui tourne trop vite et qui ne nous laisse pas assez de temps ou bien qui souligne la perte de notre temps précieux. Personne ne pense : « mais au fait, c'est moi qui décide si j'ai assez de temps ou non ! » Personne ne dit cela car suspendre le temps équivaut à considérer le présent et à remettre en question tout le dispositif de retards accumulés que nous croyons être notre vie. Et s'il faut choisir entre une remise en question pleine d'interrogations et la poursuite de notre situation acquise et familière, la balance penche toujours vers ce que l'on connaît déjà, aussi inconfortable que cette dernière puisse être.

En manquant de temps, nous bénéficions d'un passé stable et identifié. Le retard, bien que réprouvé en apparence, nous console et nous réconforte. Car quand il est trop tard, il n'y a plus de choix à faire et nous sommes enfin débarrassés de la responsabilité de notre situation. Nous pouvons dès lors nous noyer dans nos chagrins, nous envelopper de nos regrets et nous plaindre ad nauseam de notre triste sort. Finie la recherche de solutions, terminé le combat quotidien pour faire avancer les choses. Tout espoir devient inutile et ce n'est pas notre faute. Il est juste trop tard et c'est ça la vie. On y peut rien. Alors passons à autre chose... La boucle est bouclée. La montre marque à nouveau minuit, une nouvelle journée peut se mettre en marche, toujours dominée par l'irréductible retard.

16.8.09

| Les fidèles et les traîtres, un nouveau paradigme moral |

La légende veut que le vieux Malraux ai dit un truc du genre : « le 21 siècle sera spirituel ou ne sera pas ». Désolé André, mais le 21e siècle est là et la spiritualité n'est pas au rendez-vous, loin de là. En revanche, intégrismes, sectes, clubs, initiés, cercles, gourous et délires mystiques sont légions. Ils touchent toutes les couches de la population, toutes les cultures, toutes les classes sociales. Portés par les peoples, icônes païennes modernes, les croyances du 21e siècle sont un vaste fatras incompréhensible et nébuleux pareil à une bouillie d'éléments incompatibles entre eux.

Toutefois, un schéma de pensée, ou plutôt une articulation culturelle se dégage de ce carnaval bigarré. Si autrefois, la morale et l'éthique construites par les religions et les spiritualités tentaient de séparer le monde entre bien et mal, aujourd'hui le paradigme à changé et désormais, le monde se divisera entre les fidèles et les traîtres. Car la démarcation entre le bien et le mal est devenu si floue, si imperceptible, que ce dualisme n'est plus qu'une donnée relative relevant de la seule sensibilité individuelle. Il est donc plus simple de diviser le monde entre ceux qui sont pour moi et ceux qui sont contre moi, cette dernière catégorie regroupant tous ceux qui ne sont pas pour moi.

Ce curieux clivage, relevant de l'appropriation des relations interpersonnelles par les enfants en pleine phase de socialisation, se révèle dans l'ensemble des liens qui unissent les individus dans les sociétés industrielles contemporaines. Que ce soit dans les relations amoureuses ou amicales, dans les relations de travail entre collaborateurs ou bien partenaires, dans les relations sociales entre voisins, citoyens, électeurs, militants, représentants, fonctionnaires... Ce qui relevait autrefois d'un serment institutionnel propre à des corps constitués comme les églises, les ordres de chevalerie ou de magistrats s'étend aujourd'hui à l'ensemble de la société, comme si le fait d'être né quelque part et d'entretenir des liens avec les individus de son environnement immédiat nous obligeaient ipso facto.

Ce clivage entre le fidèle et le traître est particulièrement visible dans les environnements politiques et les mouvements religieux. La similitude entre les deux sphères est telle qu'il est souvent difficile de les différencier tant elles s'appuient toutes deux sur les cultes de personnalités, l'adhésion inconditionnelle et la croyance indiscutable en des dogmes souvent difficiles à étayer d'une argumentation sans failles. Et grâce à ce clivage, il devient aisé de reconnaître « les siens » et de marginaliser « les autres ». Tous ceux et celles qui de voue pas le culte, n'adhère pas inconditionnellement et de démontre pas une croyance indiscutable sont des traîtres ou soupçonnés de le devenir dans un avenir plus ou moins proche. Et dans une telle démarche, le soupçon équivaut à la culpabilité.

Le fidèle est donc celui qui cultive le respect et l'adoration du personnage central. Dans l'entreprise, ce sera le supérieur hiérarchique au plus haut niveau visible. Dans le parti, ce sera le président ou le secrétaire général. Dans l'église ce sera le dignitaire qui gravite au plus près du pape ou de son équivalent. Le fidèle n'aura pas d'autre préoccupation que de travailler à garantir les intérêts de son maître, qu'il désignera sous des vocables plus consensuels et moins tranchés comme mentor ou personnalité auxquels il apposera les qualificatif de respectable, estimable, admirable...

Le fidèle est aussi celui qui fera preuve d'une adhésion inconditionnelle aux directions de l'organisation et de ses dirigeants. Pièce de la machine institutionnelle, le fidèle sait qu'il a son rôle à jouer et bien que mineur, voire insignifiant aux yeux des « autres », il est essentiel à l'accomplissement du projet de l'organisation et de ses dirigeants. La position subalterne est magnifiée, gonflée artificiellement par une rhétorique de l'effort invisible, de la récompense inéluctable mais différée, de la fierté discrète mais réconfortante. Le fidèle est sûr de l'impact de son action car il est investit d'une mission.

Enfin le fidèle est celui qui ne perd pas de temps à remettre en question les dogmes de l'organisation, ni l'autorité de ses dirigeants, et ce quelles que soient les conditions, les erreurs manifestes ou les entorses manifestes au plus élémentaire sens commun. Pour faire la démonstration de son attachement aux dogmes, le fidèle s'en fait le porte-parole, souvent spontanément, sans besoin d'ordre de la part de la direction. Il calque son comportement et sa posture intellectuelle sur ces dogmes et les faits siens. Il démontre ainsi son dévouement et sa fidélité. Et par la même, il affirme sa profession de foi sans jamais émettre la moindre contestation sur la validité de ce qu'il affirme haut et fort.

Le fidèle est donc admirable par son courage, par son abnégation, par les efforts spontanés qu'il déploie et par le sens du dévouement dont il fait preuve. Il est un militant fiable, un bon élément, un collaborateur digne de confiance, un pratiquant assidu, un membre motivé... Autant de qualificatifs qui le caractérisent et lui donnent les lettres de noblesse et de reconnaissance qu'il recherche pour combler le vide sidéral qui était sa vie avant de rencontrer la voie.

Le traître est tout le contraire, et par extension tout le reste.

Le traître refuse d'obéir à l'ordre naturel des choses. Il préfère stupidement s'opposer à ce qui est pourtant accepté par les fidèles. Son attitude déraisonnable et défiante est intolérable et provoque des souffrances qu'il faut éviter aux fidèles. En refusant le culte du chef, il démontre un manque total de discernement et son ignorance des choses de ce monde. Il est donc arrogant, négatif et vindicatif. Il ne peut comprendre la grandeur du chef, de la personnalité, du dignitaire car il est trop absorbé par sa propre personne, par son égoïsme et sa passion narcissique.

En contestant les conditions d'adhésion, le traître fait déjà la preuve de sa mauvaise foi et de sa fourberie. Il remet en question les termes mêmes du contrat social, des dispositions admises par le plus grand nombre et tente de fissurer l'ordre social. Car le traître souhaite rompre l'harmonie des fidèles et faire régner l'anarchie, le désordre, le chaos. Sa stratégie n'a d'autre but que de prendre le pouvoir et de renverser l'autorité. Alors il cherche les failles dans l'adhésion des fidèles et tente ainsi de corrompre le lien presque sacré qui unit les fidèles et le corps constitué, l'institution.

Enfin le traître ne peut comprendre la foi. Celle-ci lui est étrangère parce qu'il est incapable de surmonter la barrière de l'intellect, de l'esprit petit-bourgeois, d'un matérialisme qui empêche de voir grand, de voir plus loin que sa propre vision, plus loin que son petit ego. Le traître n'a donc aucun respect pour les articles et la profession du dogme. Pire, il les remet en question, les discutent de manière historique et factuelle, occulte la dimension symbolique et l'idéal, et ramène la croyance à une affaire triviale, dégradante, basse. Car le traître ne sait que poser des questions biaisées, que proférer des critiques infondées car dénuées de convictions profondes. Il n'a aucune morale et cherche à pervertir l'éthique qui forme le socle de comportement des fidèles.

Le traître est par essence détestable et méprisable. Sans foi, ni fidélité, il n'a pas d'identité et encore moins de valeur pour l'institution, pour le courant, pour le mouvement. Il est un parasite dont il faut se défendre, qu'il faut chasser faute de quoi, il sera telle une pomme pourrie dans le panier. Le traître ne mérite ni la confiance, ni la sympathie, car il ignore la réciprocité et la modestie. Sa marque est celle de la contestation stérile et de la sournoiserie la plus vile.

Le traître et le fidèle sont les deux stéréoptypes de la nouvelle morale contemporaine que l'on dit libérale, mais qui n'a rien de libéral. Ils forment les deux modèles de comportement dictés par les tenants d'une éthique aveugle qui ne tient compte que des fins au détriment des moyens. Et cette éthique, mue par la rapacité et le gain individuel maximal, ne peut s'encombrer de notions comme le bien et le mal qui ne permettent pas de classifications simples et tranchées comme celles du traître et du fidèle.

Le 21e siècle est celui de la disparition du bien et du mal et de leur remplacement par la fidélité et la trahison, deux valeurs présentes dans tous les grands courants religieux et idéologiques de la planète. Mais faute d'un culte de la pertinence et d'une pratique concrète de l'éveil, cette culture dualiste de la fidélité et de la trahison nous fera sombrer dans une longue période de terreur et d'obscurité comme nous en avons déjà connues dans l'histoire humaine.

14.8.09

| Conscience planétaire et responsabilité sociale individuelle |

Où que nous regardions : cynisme, impunité, démagogie et exploitation des plus faibles par les plus féroces. Où que nous regardions, la réalité nous fait horreur. Mais devant tant d'exactions, de souffrances et de choses effroyables, que faire ? Que peut l'individu seul face à la misère, à la violence, à la cupidité ? Faire groupe ? S'unir ? Comment ? Personne ne veut entendre de discours de solidarité, de sacrifices supplémentaires, de concessions... Et puis que veux dire société aujourd'hui ?

Ceux qui n'ont rien voudraient que ceux qui ont quelque chose fassent quelque chose. Mais ceux à qui il reste encore quelque chose à perdre n'osent pas se dresser contre ceux qui ont tout, qui ne craignent rien ni personne tant ils sont protégés par le droit qu'ils ont fabriqué, par les lois qu'ils ont édictées, par les armées qu'ils ont dressées à obéir et par l'absence de merci et de compassion dont ils savent parfaitement faire usage. Alors plutôt que de s'opposer, de se révolter ou de résister, ceux qui ont encore quelque chose à perdre, se taisent, regardent de l'autre côté, et courbent l'échine.

Notre époque est celle de la conscience planétaire. Des satellites balayent chaque parcelle du sol. Des caméras sont intégrées dans des millions de téléphones portables. Des câbles et des ondes relient les populations qui bénéficient de l'électricité. Ceux qui ont encore quelque chose à perdre ne peuvent pas ignorer ce qui se passe de l'autre côté de la véritable ligne de démarcation de la fracture numérique : celle qui sépare les pays occidentalisés des autres, de tous les autres. Au travers d'innombrables canaux de diffusion, l'Occident reçoit les images terrifiantes de l'autre monde. Et ces images terrifiantes rappellent à tous ce qui arrive à ceux qui ont tout perdu, à ceux qui n'ont plus rien...

Peu de gens, en Occident, mesurent les réalités de ceux qui vivent dans l'autre monde. Il n'est pas facile de s'imaginer un lieu sans électricité, sans eau, sans chauffage, sans trottoir, sans téléphone, sans courrier... Et encore moins un lieu sans commerces, sans institutions, sans hôpital, sans police, sans pompiers, sans lois, sans travail, sans argent... Car c'est cela l'autre monde, un univers sans société. Personne ne peut se l'imaginer, ni se le représenter. Aucun film, aucune photo, aucun témoignage ne saurait donner la mesure de ces enfers. Tout ce que nous avons, ce sont des mises en scène froides, calculées, destinées à déclencher telle ou telle réaction, émotion, intention. Qui pour signer une pétition. Qui pour envoyer de l'argent. Qui pour être rappelé à l'ordre. Qui pour satisfaire une curiosité morbide...

Il apparaît donc que nous ne savons rien en dépit de l'extraordinaire déploiement de moyens de communication. Il apparaît aussi que nous ne pouvons rien car incapables de nous fédérer, de faire preuve d'un minimum de solidarité, nous ne pouvons que nous présenter individuellement face à ces désastres humains, sociaux et politiques. Et seuls, nous sommes impuissants, démunis et honteux. C'est ce dernier sentiment que combattent certains d'entre nous en rappelant que la vie n'est pas un épisode de dessin animé pour enfants, qu'elle n'est pas un conte de fées... Et qu'il est grand temps de se réveiller et de prendre conscience de la réalité (horrible) du monde. Il faut même l'accepter comme inévitable...

Le monde n'est pas peuplé de bisounours. Mais il n'est pas peuplé de monstres non plus. Et ceux qui voudraient nous présenter un monde cruel, méchant et impitoyable tentent de cacher une réalité pourtant simple. En s'éveillant à cette réalité, il nous serait possible de prendre l'initiative et de bâtir un nouveau monde. En nous éveillant à cette réalité, que l'on tente par tous les moyens de nous faire ignorer, il nous serait possible d'agir individuellement et collectivement de manière efficace. Cette réalité que l'on occulte n'est pas ancienne et sa force va croissant depuis près d'un siècle. Cette réalité, ce secret que les puissants tentent de bâillonner, c'est le nombre.

Autrefois, aux temps où les populations étaient rares et éparses, l'adage voulait que ce soit l'union qui fit la force. Et pendant des siècles tous les pouvoirs ont employé cet adage pour asseoir et maintenir leur pouvoir. Les rapports de force étaient entretenus entre les groupes les plus puissants. Mais avec l'explosion démographique et la mondialisation de la conscience, le paradigme a complètement changé. Avec une population de six milliards d'êtres humains, l'union est devenue impossible. Même avec les meilleurs moyens de communication du monde, l'union est impraticable. Et par le même principe, régner devient impraticable. Trop de différences, de caractéristiques spécifiques, de particularités séparent les individus et échappent aux tentatives d'homogénéisation du marketing, de la politique ou des intégrismes.

Le nombre est trop grand. Et non seulement il est trop grand mais il suffit aujourd'hui d'une fraction de ce nombre pour accomplir ce qui demandait une mobilisation mondiale il y a seulement cinquante ans. Et ce sont ces fractions qui sont devenues déterminantes dans tous les rapports de forces, dans tous les affrontements, dans toutes les négociations. Devant des nombres incontrôlables et difficilement réductibles, les détenteurs de puissance sont obligés de mener des campagnes de terreur afin de paralyser les populations. En maintenant une fraction importante de son propre groupe dans un régime de peur, il est possible de maintenir une population entière sous contrôle. Mais cela n'est vraiment efficace que si le monde entier applique le même régime. Or c'est également devenu impossible. Il y a toujours des groupes plus libres, moins terrifiés, moins sujets à la pression du marketing de la peur, voire enclins à défier le pouvoir en place...

Le nombre est démesuré et cela ne va qu'en augmentant. Neuf milliards d'individus dans trente ans. Un défi sans mesure à la volonté de contrôle des puissants sur le reste du monde. Un défi et peut-être même une gageure. Car le déploiement des moyens nécessaires pour contrôler une telle population dans un nombre aussi grand, dans une diversité de langues et de cultures aussi variée, sur une étendue géographique totale expose les tyrans à la multiplication des erreurs d'appréciation, à l'extension des poches de résistance, des zones et des phénomènes incontrôlables et incontrôlés. Ainsi Internet, autrefois réseau militaire et scientifique, que l'on croyait transformer en réseau commercial, échappe à tout contrôle. Et plus on essaye de le contrôler et plus les tentatives échouent, s'inversent et produisent des effets indésirables de désordre incontrôlable.

Le nombre est le nouveau paradigme du 21e siècle et probablement du 3e millénaire. Le nombre n'est pas un groupe. Il est accumulation. Le nombre n'est pas une force. Il est la réalité qui sous-tend toutes les forces. Et chacun de nous fait partie du nombre, non comme une parcelle, un fragment ou un élément secondaire... Chacun de nous est le nombre. A la manière d'une cellule du corps humain, nous pouvons agir selon des comportements très variés au sein du nombre. Nous pouvons être bénéfique(s) ou bien nocif(s). Le nombre pourra alors nous accepter ou nous combattre. Un cancer commence toujours par la mutation d'une seule cellule. De même qu'un enfant a pour origine une seule cellule. Et ainsi chacun de nous a une influence certaine sur le nombre. Prendre conscience de cette influence, c'est déjà accepter notre responsabilité sociale individuelle. Et c'est sur cette responsabilité sociale individuelle que doit se bâtir notre action au sein du nombre.

Nous ne sommes ni seuls, ni isolés, ni fondamentalement différents. Nous pouvons agir sur notre monde en tirant parti du nombre, en diffusant notre message autour de nous, en faisant preuve d'influence, si modeste soit-elle. En nombre suffisant, notre influence devient une force invincible. Nous n'avons pas besoin d'adhérer à un parti, à une cause, à une religion ou à une idéologie pour construire ensemble un projet, que ce soit pour tracer une route, pour planter des arbres ou pour acheminer de l'eau. C'est le nombre qui a toujours été le ciment pour toutes les réalisations humaines. Et si autrefois, le nombre était restreint et l'économie fondée sur la rareté, aujourd'hui le nombre est colossal et l'économie pourrait parfaitement être fondée sur l'abondance.

Moins de 3% de la population détient plus de 80% des richesses de la planète. Ils sont peu nombreux, isolés et perdent de plus en plus le contrôle du monde. Ils n'ont pas besoin de toute la population mondiale pour se maintenir au sommet de la pyramide qu'ils ont construite. Ils en font la démonstration depuis longtemps en utilisant seulement une fraction relativement faible en nombre. C'est à cette fraction qu'il faut maintenant s'attaquer. Non en la détruisant comme le revendiquent les extrémistes de tous poils. Car elle sera aussitôt remplacée par une autre génération, plus jeune et bien plus docile. Mais en lui faisant prendre conscience de son rôle et en l'aidant à enrayer la machine.

C'est par la pédagogie et par une prise de conscience morale que nous pouvons toucher cette fraction. Au travers des écrans qu'elle regarde, des téléphones portables dont elle se fait l'apôtre, des ordinateurs et des outils informatique qu'elle croit maîtriser, nous pouvons toucher cette fraction et lui dire notre message. Si cette fraction vacille, c'est tout l'empire qui tremble. Et si cette fraction cesse de travailler pour ceux qui ont tout, l'empire mondial s'écroulera. Il suffira de cesser le travail pendant quelques jours seulement... Seulement quelques jours et ce sera fini...

Mais alors qui sont ceux et celles qui forment cette fraction du nombre qui enrichit les plus riches et les maintient au pouvoir ?

C'est moi. C'est vous. C'est nous.

29.7.09

| L'eau, déesse aux multiples aspects |

Subissant l'effet cumulé de nos pollutions et des dérèglements climatiques constatés depuis dix ans, l'eau est devenue à la fois un sujet de menaces et de pénuries. Elément de base de l'existence sous toutes ses formes, l'eau est la composante majoritaire de tous les organismes. Elle est autour de nous. Elle est en nous. D'aussi longtemps que l'on puisse s'en souvenir, l'eau a toujours été divinisée et s'est manifestée dans les croyances humaines sous des formes variées liées qui au fleuve, qui à la pluie, qui à la mer, qui aux sources... L'eau est d'un point de vue bouddhique, une des forces primordiales de l'univers : elle est une déesse.

Une déesse redoutable
L'eau est devenue une des principales menaces pour les êtres vivants et l'environnement. Les catastrophes naturelles liées à l'eau se multiplient aussi bien sous la forme de tsunamis ou de tempêtes tropicales, que sous la forme d'inondations spectaculaires que l'on avait pu recenser dans de nombreux pays asiatiques ou du sous-continent indien. La nouveauté est que les pays situés dans des zones plus tempérées commencent à ressentir les effets de ces mêmes catastrophes que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis.
Les dérèglements climatiques constatés par des institutions comme le GIEC (Groupe Inter-gouvernemental des Etudes sur le Climat) sont à la source de cette amplification des catastrophes naturelles dans lesquelles l'eau tient la plus grande part. Plus précisément, la fonte des glaces due à l'effet de serre se trouve à l'origine de la plupart de ces événements. Elle s'accompagne d'une série d'autres menaces importantes pour la faune, la flore et surtout les populations humaines de la planète.
La fonte des glaces tant aux pôles que dans les zones en altitudes a des effets secondaires sur le niveau des mers et sur le débit des cours d'eau, notamment des grands fleuves. Quand on mesure que la moitié de la population mondiale vit à moins de 60 kilomètres d'une côte, et que les fleuves constituent depuis toujours les principaux bassins d'implantation des populations, les enjeux de la montée du niveau des eaux deviennent particulièrement alarmants. Pour des pays comme le Bengladesh dont la quasi-totalité de sa surface est comprise dans le gigantesque delta où se rejoignent le Gange et le Bhramapoutre, les conséquences seront dramatiques.
La fonte des glaciers telle qu'elle est observée aujourd'hui ne pourrait être stoppée que par une soudaine glaciation. Ce scénario catastrophe, quoique improbable pour l'instant, est évoqué dans une adaptation cinématographique hollywoodienne, Le Jour d'après (Roland Emmerich, 2004). Le film décrit comment les dérèglements climatiques conduisent à l'arrêt des échanges thermiques du Gulf Stream et déclenche une glaciation aussi rapide que soudaine. Bien que de nombreux éléments de cette fiction soient discutables, le scénario a le mérite d'alerter de façon frappante sur les dangers inattendus et les menaces que l'eau porte en elle lorsqu'elle n'est pas respectée.

Une déesse indomptable
En attendant le scénario catastrophe dont nous ne connaissons pas la forme définitive, les glaces continuent de fondre et les océans montent. Cette fonte des glaces se caractérise tout particulièrement au pôle nord, dans la zone Arctique, où la banquise a diminuée de plusieurs millions de kilomètres carrés de surface et perdu la moitié de son épaisseur dans les seules deux ou trois dernières décennies. Les glaciers du Groenland fondent malgré les polémiques autour de la vitesse de cette fonte. En Antarctique, seule une partie des glaces semblent être touchées pour l'instant par le phénomène de réchauffement climatique constant.
Mais quelles que soient les hypothèses, la fonte des glaces contribuent indubitablement à la montée du niveau des eaux. Toutes les évaluations démontrent une augmentation du niveau de 20 à 60 cm au cours de ce siècle. Cette montée des eaux n'a rien de spectaculaire dite de cette manière, mais il faut s'éveiller à l'impact qu'un tel chiffre peut avoir sur l'ensemble de la planète et sur ses populations. D'autant que l'effet conjugué au fil des décennies et des siècles ne peut être stoppé. La montée des eaux continuera tout au long du 21e siècle et se poursuivra dans le suivant, et celui d'après.
La montée du niveau des mers aura des effets secondaires difficiles à mesurer du point de vue démographique et alimentaire comme notamment la salinisation des terres et de l'embouchure de nombreux cours d'eau. Souvent choisies pour la richesse des sols et des eaux, ces zones disparaîtront inexorablement au cours des deux siècles prochains, car l'effet de montée du niveau des eaux est durable et ne sera pas stoppé par un ralentissement même notable de l'effet de serre et donc du réchauffement du climat.
Enfin une dernière menace est l'assèchement des fleuves et des rivières. La plupart sont alimentés par les grands glaciers en altitude qui eux aussi subissent une fonte accélérée. Dans un premier temps, les grands cours d'eau seront sujets à un gonflement considérable provoquant des inondations graves et inattendues car située dans des régions autrefois considérées comme à l'abri de ce type de catastrophes. Puis quand il ne restera plus rien à faire fondre, les cours d'eau subiront des phénomènes d'épuisement. Cette diminution des ressources en eau auront non seulement des conséquences directes sur les populations, notamment celles vivant à proximité des zones désertiques et semi-désertiques, mais aussi sur la nature et la richesse des sols.
Ainsi l'eau, connue autrefois pour ses propriétés bénéfiques sur les cultures, deviendra dans bien des régions la source de stérilité des sols et de désertification. Elle sera aussi la cause d'une réduction des terres disponibles conduisant à des conflits territoriaux (comme on en voit déjà aujourd'hui) et des concentrations dangereuses de populations déplacées et démunies. Ces conditions deviendront le ferment d'épidémies qui bénéficieront de la promiscuité et de la pénurie pour frapper durement ces mêmes populations et toutes celles qui seront en contact avec elles.

Une déesse empoisonnée
L'eau est devenue une déesse empoisonnée par l'action conjuguée du réchauffement climatique, de mauvaises pratiques d'irrigation et des pollutions chimiques et industrielles. Face aux excès et aux pratiques irresponsables des sociétés humaines, l'eau dispose d'un pouvoir invisible et insidieux, l'empoisonnement. N'ayant aucune propriété de purification des agents et des matières que nous y rejetons, l'eau transporte et nous rend toutes nos souillures sous des formes souvent amplifiées.
Dans un cycle infernal que nous identifions parfaitement aujourd'hui, notre industrie, notre traitement des sols et surtout nos déchets ménagers transforment des rivières et des fleuves bouillonnants de vie en égouts à ciel ouvert. Nombre de nos rivières ne sont plus propres à la pèche des poissons et nécessitent un traitement particulier pour rendre l'eau potable. Plus généralement dans le monde, des fleuves tels que le Rio Bogotta, la Volga ou encore le Yang Tseu sont désormais dépourvus de toute forme de vie animale et d'une rare vie végétale souvent toxique pour les sociétés humaines qui vivent le long de ces cours d'eau.
Nos poisons tuent ce qui vit dans l'eau, qui vient nous empoisonner à son tour. Le cycle est parfaitement réglé. Nous polluons l'eau avec des agents extrêmement toxiques tels le pyralène, l'arsenic, le mercure, le soufre, les phosphates, les acides divers et bien d'autres encore. Ces agents s'accumulent dans les formes de vie qui résident dans l'eau. Ils en tuent une partie et endommagent les autres qui par le mécanisme de la chaîne alimentaire se retrouvent dans notre propre nourriture. Ainsi régulièrement, on interdit la consommation de l'eau ou des produits de telle ou telle rivière, réduisant les ressources de la population locale et de celles qui de manière lointaine en dépendaient. Mais cela ne s'arrête pas là.
L'eau ainsi empoisonnée devient impropre à l'irrigation et menace les cultures. Or, dans beaucoup de régions du monde et pas seulement dans les pays en développement, l'irrigation est la clé de voûte de la production alimentaire. De cette manière, le poison ne nous revient pas seulement sous sa forme animale mais aussi sous sa forme végétale. Et quand on sait combien on agresse déjà les sols et les cultures avec toutes sortes d'agents chimiques dangereux pour se prémunir contre d'autres sortes de ravages, les risques encourus se multiplient de manière géométrique.

Faire de la déesse notre alliée
L'une des propriétés des divinités bouddhiques, fonctions naturelles de notre environnement, est de devenir les alliées de ceux et de celles qui s'éveillent aux mécanismes fondamentaux de la vie. Mais pour réaliser cette alliance, c'est aux individus et aux formes de vie qui peuplent la planète de comprendre et de reconnaître la valeur et la fonction des forces qui sont à l'œuvre dans notre éco-système. Sans cette prise de conscience, les actions possibles, les attitudes et les responsabilités à prendre sont dénuées de sens et finissent par être abandonnées et occultées par l'ignorance et la négligence. Il existe de nombreuses façons de renouer avec la déesse de l'eau.

•Une première façon d'agir est de développer des moyens de désalement de l'eau de mer.
Aujourd'hui, ce procédé n'est pas du tout au point car très consommateur d'énergie. Cela pose des problèmes de ressources en terme de combustibles et en terme de pollution de l'air par production de davantage de carbone qui vient renforcer l'effet de serre. Mais la solution reste viable si l'on parvient à développer des nouvelles techniques de production d'eau douce à partir de l'eau de mer.
Ce procédé, en l'état, est une nécessité absolue pour contrer la désertification et l'assèchement des grands cours d'eau dans les zones arides. Et bien que de nombreux efforts sont encore nécessaires et attendus, c'est encore le procédé le moins coûteux pour permettre à des régions très étendues de ne pas souffrir de pénuries et donc de ne pas entrer dans des situations de conflits et de tensions avec ses voisins plus ou moins proches.

•Une deuxième façon est évidemment d'économiser l'eau. Cette économie de l'eau passe à la fois par une responsabilisation des individus et des entreprises dans leur utilisation et conservation de l'eau comme ressource.
Il est difficile de créer ex nihilo une véritable culture de la protection, de la préservation et de l'économie de l'eau auprès d'une population large. Mais un effort de communication par la répétition et une authentique pédagogie à tous les échelons de la scolarité et de l'âge adulte permettent, sur la période d'une seule génération, d'obtenir des résultats visibles. C'est ce que démontrent les populations de beaucoup de régions du monde et pas seulement situées dans la sphère occidentale.
Pour ce qui est des entreprises, les collectivités disposent des outils législatifs pour créer des mesures incitatives d'une part et des réglementations solides d'une autre part pour en finir avec les abus et les excès de certaines industries qui ne protègent ni l'environnement ni les ressources naturelles. Il est clair que c'est d'abord par la pédagogie auprès de la population et l'acceptation d'une culture de la préservation qu'il sera naturellement plus simple et plus logique de conduire les entreprises dans le chemin vertueux du respect des ressources et de l'environnement.
Mais les collectivités doivent également montrer l'exemple en conduisant une politique d'excellence en ce qui concerne tant le réseau d'alimentation que les étapes du retraitement de l'eau. Il est toujours étonnant de voir combien les fuites d'eau dues à un réseau public médiocre, voire défaillant, sont la source d'une perte de la ressource et combien celles-ci sont négligées et même ignorées par les particuliers comme par les collectivités. Il est encore plus étonnant de voir des régions pauvres en eau où l'entretien des réseaux d'approvisionnement et des puits ne font pas partie des priorités. L'économie de l'eau n'est pas l'affaire des «autres », ni celle d'une poignée de compagnies concessionnaires plus préoccupées par les dividendes de leurs actionnaires que par une gestion saine qui ne pèse pas de manière écrasante sur les usagers. Elle est d'abord la responsabilité de chacun.

• Une troisième façon de procéder est de recycler davantage les déchets que nous produisons et qui polluent l'eau.
Le recyclage des ordures ménagères ou industrielles est une évidence. Mais les populations ont toutes les difficultés du monde à mettre en pratique une idée aussi simple. La raison principale est l'absence ou la pauvreté des solutions mises en place. Le coût de ses solutions vient ajouter une difficulté supplémentaire. De sorte que le recyclage pèche à plusieurs titres : faible information, faible engagement politique local, mauvaise stratégie, coût de recyclage élevé pour un rendement faible, etc.
De nombreuses entreprises d'envergure internationale se sont investies dans ce marché mais sans faire les efforts nécessaires pour construire un marché compétitif, solide et efficace en terme de résultats. La difficulté provient à la fois de la complexité des situations locales et surtout d'une nécessité d'usage des matières recyclées pour obtenir un coût abordable.
Aujourd'hui, il est plus onéreux d'utiliser des matière recyclées qui sont pourtant un progrès écologique. Cette absurdité provient de l'incapacité du marché à se structurer et à développer des stratégies locales spécifiques. Notre société est trop habituée à jongler avec des masses importantes pour faire baisser les coûts sans regard pour les particularités et les détails. En uniformisant l'offre, on uniformise la demande. Mais ce mécanisme ne fonctionne en aucun cas dans le recyclage des déchets.
Il est donc nécessaire de repenser les mécanismes économiques des technologies et des marchés de recyclages afin de les rendre plus attractifs pour les industriels et d'en finir avec les politiques de communication dites de Green-washing (litt. laver en vert) qui permettent aux entreprises de se dire écologiques parce qu'une partie mineure de leur production est respectueuse de l'environnement. Il faut espérer que la nécessité politique mondiale de développer des technologies vertes permettra la conversion des industries polluantes et de nouvelles industries totalement vertes.

•Une quatrième façon est de recycler davantage l'eau elle-même aussi bien à des niveaux régionaux qu'au niveau du particulier.
L'idée d'utiliser et même de consommer des eaux usées est culturellement rebutante pour la plupart des gens. Pourtant, quand on y pense, l'eau du robinet n'est rien d'autre que de l'eau usée que nous retraitons pour qu'elle soit de nouveau propre à la consommation. Si les procédés sont discutables et peuvent être améliorés, il ne fait aucun doute que le recyclage de l'eau par des stations d'épuration est entré de manière définitive dans notre culture technique. Reste à améliorer notre contrôle de ce cycle d'épuration et surtout les entreprises qui ont concession pour la gestion de l'eau.
Mais ce n'est là qu'une étape. Dans notre quotidien, il existe des technologies récentes qui permettent à un foyer moyen de recycler quantité de son eau pour quantité de ses besoins. La récupération des eaux de pluie ou bien les matériaux de couverture végétaux ne sont que quelques exemples probants de notre capacité individuelle à recycler l'eau.
Comme nous l'avons dit précédemment, le problème est le manque totale d'information des acteurs de ces nouvelles technologies souvent occultées par les concurrents historiques qui voient d'un mauvais œil la venue d'une innovation concurrente. Ce manque d'information provient également d'un effort insuffisant de la part des acteurs institutionnels souvent préoccupés par des enjeux et des échéances électorales et parfois noyautés par des groupes de pression gagnés à la cause d'acteurs industriels qui ne souhaitent pas voir des nouveaux venus troubler l'ordre établit.

• Une cinquième façon est de développer de nouveaux agents capables de combattre la pollution ou bien de l'absorber.
Cette perspective est encore plus difficile à admettre pour le plus grand nombre que la précédente. Pourtant il existe déjà de nombreux agents capables de capturer certaines formes de pollution de l'eau. Les épinards sont connus pour leur capacité de capture des métaux lourds. D'autres plantes d'intérieurs sont des dépolluants naturels. Dans l'eau, certains algues et certaines espèces animales sont des chasseurs de pollutions diverses tant d'origine chimique que d'origine naturelle.
Dans le monde des bactéries on commence à compter de nombreuses alliées capables de prodiges inédits comme de dévorer certaines matières polluantes. Certaines sont capables non seulement de se nourrir de nos déchets mais elles ont également la capacité de résister aux pires conditions de vie : déshydratation totale, radioactivité, empoisonnement, etc. La recherche en la matière, si elle n'est plus utilisée pour la production d'agents pathogènes militaires, ouvre de nombreux horizons permettant d'imaginer la mise au point d'armées de bactéries capables de nous débarrasser de nombre de nos pollutions.

Comme nous le voyons, les stratégies économiques de l'eau sont plurielles et ne sont pas antagonistes entre elles. Elle se situent à des niveaux multiples allant d'une responsabilité transnationale à des activités de terrain très localisées. Il ne s'agit pas ici de faire le catalogue exhaustif des solutions mais plutôt d'attirer l'attention sur la simplicité de mise en œuvre et surtout l'existence de pistes à suivre. Ce qui manque, c'est d'abord une volonté collective et informée, mais celle-ci ne fait pas tout.

Faire la paix avec la déesse de l'eau
Nous l'avons vu tout au long de ce modeste article, ce qui compte c'est n'est pas tant de transformer des technologies ou des usages, mais plutôt le changement de l'état d'esprit dans lequel nous vivons avec les forces actives de la nature. Tout dépend du regard que nous avons sur la nature et comment nous la considérons. A la différence des courants de pensée philosophiques de l'Occident qui tendent à placer l'homme au centre et comme dominateur de la nature, l'Orient laisse une place prépondérante aux entités divines, aux dieux et aux déesses qui incarnent de manière cosmique les forces naturelles de l'univers et des mondes qui le constituent.
Considérer l'eau simplement comme une molécule ou seulement comme une ressource, c'est-à-dire adopter un point de vue strictement scientifique ou économique, ne suffit pas à donner la mesure de ce qu'est l'eau dans notre vie d'être humain. Car ces points de vue ne peuvent être considérés qu'à l'aune d'une conscience scientifique réelle et d'une culture particulièrement développée. Et même dans ce cas, il est bien des scientifiques et des économistes prêts à vendre leur âme au diable pour en retirer quelque profit personnel plutôt que de prendre le contre-pied d'intentions industrielles malveillantes et de desseins politiques rapaces.
Faut-il pour autant diviniser tout à la manière des animistes ou des cultes chamaniques ?
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de revenir à un monde magique, plein de superstitions et de croyances parfois effrayantes. En revanche, je crois qu'il est nécessaire de retrouver le sentiment du sacré lorsque nous sommes face à des forces naturelles majeures, à des éléments constitutifs de notre vie et de notre environnement, sans pour autant leur prêter une intelligence humaine.
L'eau est une déesse. Elle peut s'avérer bénéfique et nourrir notre vie, nous soigner, nous purifier, nous laver de nos souillures. Mais elle peut aussi prendre des formes malignes et nous rendre la vie impossible à son contact sous des formes souvent terrifiantes. Elle peut avoir l'air d'une matière fragile mais elle fait la démonstration de toutes les formes de la puissance que l'on prête aisément à une entité divine. Sous toutes ses formes, elle nous dépasse tout en faisant partie de chacun. Elle protège celui qui s'est éveillé à sa nature et à son pouvoir. Elle est dangereuse et même mortelle pour l'ignorant ou le cupide qui la considère comme une simple commodité.
Ainsi la déesse de l'eau fait partie de notre panthéon de divinités modernes. Elle demeure l'une des forces primordiales qui permet la vie sur cette planète. Sans elle, nous ne sommes rien, car elle constitue plus des deux tiers de notre être. Sans elle, rien ne vit.
N'est-ce pas cela la marque incontestable d'une déesse...?

17.7.09

| L'illusion est maintenant parfaite...|

Le ciel est béton, les nuages fumés. La pluie menace. Le tonnerre gronde encore après avoir rugit toute la nuit. L'atmosphère sait se déchaîner et personne ne peut prévoir ni quand, ni comment, ni où... En jetant un coup d'œil aux multiples bulletins météo du début de semaine, on envisageait un temps mitigé, de belles éclaircies, des matinées ensoleillées et des nuages l'après-midi ou inversement... En bref, les prévisions étaient fausses.
Pourtant, les gens continuent de consulter la météo à la télé, sur Internet, sur leurs iPhones, à la radio. Ils ne sauront rien du temps qu'il fera demain, puisque les spécialistes eux-mêmes n'en savent plus rien. Prévoir les conditions climatiques du lendemain est devenu un exercice proche de la prédiction astrologique.

D'ailleurs, l'astrologie et les techniques divinatoires n'ont jamais eu autant de succès. L'échec des églises et des cultes divers à réaliser le bonheur tant attendu et si souvent promis y est aussi pour quelque chose. Alors on en revient à de bonnes vieilles méthodes : les cartes, la position des corps célestes, les chiffres, la voyance... Les technologies de l'information donnent un coup de pouce considérable à ce retour en force. Elles garantissent l'ubiquité, l'instantanéité, l'anonymat... Des pouvoirs divins sans avoir à rendre quoi que ce soit au Tout-puissant.
Les prévisions deviennent prédictions. La marge d'erreur est tolérée. L'approximation est attendue. L'interprétation va de soi. Les résultats sont inégaux, mais pas plus que les prévisions météorologiques ou les marges bénéficiaires des sociétés cotées en bourse. 30% de bonheur en plus, 30% de rien du tout, 30% d'emmerdements et 10% de surprises, bonnes ou mauvaises. C'est selon le point de vue dans lequel on se place.

L'économie mondiale, qui a avalé toutes les économies locales, n'est pas exempte de cette nécessité divinatoire. Prévoir l'inflation, le chômage, la croissance, les profits et les pertes, autant d'objectifs qui semblent simples à l'énoncé, mais qui impliquent une telle somme de facteurs qu'il est impossible de les anticiper. Alors on fait appel à des analystes, à des prospectivistes, à des spécialistes de l'ingéniérie financiaire, à des oracles modernes qui, sous couvert de termes techniques et d'un vocabulaire ésotérique, font des paris sur l'avenir pour augmenter le plus possible la rentabilité des actifs qui leurs sont confiés.
Les prédictions deviennent des projections et des scénarios. La marge d'erreur est appelée risque. Les risques sont réduits par des garanties. Les garanties sont données par des experts et des compagnies d'assurances, qui n'ont aucun moyen de garantir quoi que ce soit sinon de payer la note en cas d'échec. L'édifice est creux, fabriqué d'accords tacites et de promesses couchées sur le papier que l'on appellent contrats.
En rapprochant le « temps qu'il fait » du « temps qui passe » et celui qui passe du « temps qui est de l'argent », je me rend compte de l'absence de substance de toutes ces attentes et de toutes ces stratégies. Mais si elles sont si vides, pourquoi ont-elles une prise si forte sur notre quotidien, sur nos vies individuelles et collectives, sur notre histoire ? Car en dépit de l'abstraction de ces concepts, de leur évidente inefficacité et de leur vacuité avérée, on continue à croire que la météo nous dira s'il fera beau demain, que la divination nous dira si nous allons être heureux et que l'économie fera notre fortune...

La croyance est la clé de cette absurdité. La croyance est le moteur. La croyance est la substance de cette illusion parfaite. Je dis parfaite parce qu'elle atteint maintenant sa limite. La perfection est limite, cristallisation, image figée dans le temps et dans l'espace. Et l'illusion est enfin parfaite. Un seul pas en arrière et le recul est suffisant pour se rendre à l'évidence que la météo, l'oracle et le banquier nous mentent en même temps qu'ils se mentent à eux-mêmes, rendant l'illusion acceptable aux yeux de tous.
Le dicton qui veut qu' « au royaume des aveugles, le borgne est roi », est complètement faux. Au royaume des aveugles, le borgne est dans la merde. A défaut d'être pointé du doigt, il sera pourchassé, condamné, transformé en bouc émissaire de l'aveuglement général, et éventuellement mis à mort. Les groupes produisent de la conformité. Et tout ce qui est concurrent est d'abord suspect, puis détesté et enfin combattu jusqu'à l'extermination pure et simple. C'est ce que l'on peut observer chez les colonies d'insectes, au sein des troupeaux de mammifères, chez les pingouins ou encore dans un vulgaire poulailler. Prenez une poule, peignez lui la crête en bleu et elle devient immédiatement l'ennemi, l'autre, le borgne.

Nous vivons à une époque de grande croyance, mais nous vénérons de faux dieux, des idoles perverses, des vices que nous déguisons en vertus. Ces croyances immorales et contre-productives nous ont conduit à saccager notre environnement naturel, à rejeter les moyens d'émancipation intérieure, à corrompre nos relations inter-personnelles et à développer une soif inextinguible pour toutes les formes de morts réelles ou abstraites. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que les perspectives soient sombres, funestes et parfois même fatalistes. Mais ce ne sont là que les limites de l'illusion parfaite que nous avons tous contribué à créer et dans laquelle nous nous complaisons allègrement. Mon maître en bouddhisme, Nichiren, le moine japonais du 13e siècle, écrit dans une lettre : « l'insecte qui se nourrit de l'ortie en vient à oublier combien sa feuille est amère, de même que l'homme qui s'attarde dans les latrines en vient à oublier combien l'odeur est fétide. »
Nous avons oublié comment vivre pour nous laisser prendre aux fantasmes et aux rêveries. Il n'est pas trop tard pour les dissiper, et nous éveiller à la réalité du monde, à sa beauté, à l'aspect précieux et même sacré de la vie sous toutes ses formes, y compris humaine. Ce n'est au final qu'une question de croyance(s). Nous pouvons continuer de vénérer le veau d'or et attendre que de providentiels Moïse, Jésus, Mahomet ou Bouddha viennent nous sauver de nos délires toxiques. Nous pouvons même croire que le salut sera dans l'au-delà...
Ou alors nous pouvons prendre au mot ces prophètes et vivre au quotidien les principes simples, peu nombreux et profondément humanistes qu'ils ont laissé pour la postérité. Pour cela, il n'est nul besoin d'églises, de devins, de banquiers ou de présentateurs de la météo qui ne prêchent que pour leurs chapelles, leurs institutions et les illusions parfaites qui forgent le spectacle permanent mais sans vie qu'ils nous donnent à regarder à chaque instant de notre existence.

1.7.09

| Peut-on vivre sans Internet ? |

Partial map of the Internet based on the Janua...Image via Wikipedia

Internet est partout. Toile géante qui couvre toute la planète, s'abreuve à tous les médias, y compris les canaux privés comme le téléphone, le courrier électronique et les conversations en ligne, le Web est le réseau le plus vaste jamais connu dans l'Histoire humaine. Bien que limitée par le déploiement du réseau téléphonique (terrestre, hertzien ou satellite) et par le prix d'une connexion domicile, la Toile est devenue en quelques années seulement le moyen de communication le plus performant, le plus rapide et le moins cher de l'économie mondiale. Et malgré la diversité des cultures, des ethnies, des langues et des traditions, Internet est aujourd'hui le vecteur de rapprochement et, pour reprendre l'expression de Thomas Friedmann, d'aplatissement du monde connu.

Pourtant, pendant plusieurs millénaires, nous avons pu vivre, évoluer, développer nos sociétés sans recourir à un média aussi vaste et aussi complet. A grands renforts de pierres, de tablettes d'argile, de peaux d'animaux domestiques, de roseaux, de chiffons et finalement de papier, il nous a été possible de bâtir un monde globalisé, n'ayant pour limites que celles de la planète. Et dans les deux derniers siècles, grâce à l'usage de l'électricité et des ondes radios, nous avons même pu surmonter les obstacles posés par l'utilisation de nos sources d'énergies actuelles (Charbon, gaz naturel, pétrole). En déployant un réseau téléphonique et des émetteurs de radio-fréquences, il nous a été possible de relier tous les points du globe par des contacts téléphoniques uniques ou multiples.

Graphic representation of a minute fraction of...Image via Wikipedia

L'Internet est-il seulement une extension naturelle ou logique de tout ce déploiement de techno-science ? Non. L'Internet correspond à une nécessité humaine que l'on constate dès les premiers temps de l'humanité : celle de se relier et de partager un patrimoine intellectuel et historique commun. Il ne s'agit pas tant d'échanger des informations ou du savoir, qui était le but premier de l'Internet militaire et scientifique. Cette vision purement utilitaire et potentiellement marchande s'est avérée fausse et surtout contre-productive.
Ce dont il est question sur Internet, c'est de permettre à tous les utilisateurs de s'exprimer dans un espace public et d'y faire apparaître leur culture, leurs histoires (si modestes soient-elles), leurs versions et opinions des faits dont ils sont connaissance (y compris quand leurs informations ou perceptions sont totalement ou partiellement fausses ou bien biaisées). Ce dont il s'agit c'est de l'esprit du partage autour du feu. Ce dernier est remplacé par un écran lumineux. Les autres veilleurs sont là, comme au bon vieux temps, autour de l'écran, des ombres légèrement éclairées par la lumière froide. Ce qui diffère c'est évidemment le nombre de feu. Au lieu d'en avoir un seul, il y en a un par veilleur.

Comme le feu de l'ancien temps, l'Internet sert à tout. Il permet la communication entre les individus, la congrégation par delà les frontières, la communion de destin et de narration, l'échange d'informations utiles ou futiles, savantes ou purement factuelles, et enfin il permet le partage de l'expérience et sa communauté. Tout comme le feu, une fois allumé, il n'est pratiquement plus possible de l'éteindre sauf à régresser tant les usages sont multiples, les possibilités innombrables. Internet est le feu nouveau, et il est devenu impossible de s'en passer. Il est le facteur déterminant d'un changement de civilisation, tout comme l'utilisation du pétrole l'a été, le déploiement de l'électricité, l'usage du téléphone ou la circulation du livre.

Comme tout les outils majeurs, Internet n'est pas encore entièrement domestiqué. Les veilleurs n'ont pas encore compris sa valeur réelle, intrinsèque, permettant de grandir les individus et non de les réduire. Comme au jour de Noël, les utilisateurs d'Internet, partout dans le monde sont encore dans la période de découverte du nouveau jouet. Ils en admirent la merveille, les fantasmes, les couleurs, la diversité. Mais peu l'utilise, en tire productions et développements, le mette réellement à contribution. Cela ne signifie pas pour autant que l'Internet soit un gigantesque gadget comme a pu être la platine musicale ou le lecteur de DVD ou de VHS. Internet, à l'instar de la radio et dans une certaine manière la télévision, est un canal médiatique par lequel les contenus circulent, mais cette fois dans les deux sens. Et ce n'est finalement pas le canal qui est incontrôlable mais bel et bien les contenus. Les grandes dictatures actuelles ne s'y sont pas trompées, les puissants et les valets du pouvoir non plus. Alors une guerre mondiale se livre en ce moment même pour saturer l'Internet d'une propagande marchande et restrictive, une homogénéisation normative et radicale qui permettra non de brider les capacités de l'Internet, mais d'en réduire la portée dans les esprits.

L'Internet est devenu indispensable et à terme il sera entièrement gratuit. Ceux qui tentent par des manœuvres diverses et des stratégies sournoises de le limiter, de manipuler son contenu et de s'ériger en maîtres des réseaux ne sont rien d'autre que les seigneurs féodaux d'une nouvelle forme de Moyen-Âge au cours duquel il est possible que la censure exercée aille bien au-delà de ce qu'on reproche aujourd'hui aux cultes d'hier. Car autrefois, le feu de la veillée réchauffait les veilleurs et invitait à la communauté. Mais il servait aussi, le cas échéant, à éloigner les loups, les brigands et si nécessaire à incendier les forteresses de ceux qui souhaitaient régner sans partage. Aujourd'hui, comme hier, le feu de l'Internet est un outil de création, de communauté ou de destruction massive. Il dépend de ceux et de celles qui en font l'usage de déterminer ce qu'il en sera.







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24.6.09

| Facebook, le parc d'attractions de la vie des gens |

J'ai longtemps résisté à Facebook, comme j'avais longtemps résisté à MySpace, à Friendfeed et à bien d'autres réseaux dits « sociaux ». J'ai pourtant une grosse activité de blogueur depuis plusieurs années et je passe beaucoup de temps sur le web à lire, à écouter, à voir, à discuter... Mes résistances à FB et consorts (ceux qui ont un intérêt commun dans une même affaire) sont toujours les mêmes : le projet n'a rien de social malgré la dénomination américaine qui ne signifie pas tout à fait la même chose.

Facebook n'échappe pas à la règle et se trouve à mi-chemin entre la secte moderne et le parc d'attractions à l'américaine.

Facebook est une secte parce qu'il faut être inscrit pour y pénétrer et y évoluer. Pas moyen de voir ou de lire sans inscription (ou devrions-nous dire sans abonnement). Et celle-ci est la garantie permettant à l'entreprise Facebook de gagner des millions sans en reverser un centime à la masse des contributeurs. Ça aussi c'est le principe de la secte : tu entres, tu payes et tout ce que tu as en contrepartie c'est... rien. Car ce que je peux faire sur Facebook, je peux aussi bien le faire ailleurs et sans rien payer ni demander une inscription quelconque.

La notion de parc d'attraction est secondaire au principe de secte. Facebook est un spectacle permanent. On y passe son temps à diffuser des informations que l'on pense pertinentes, à coller des photos, des vidéos, des articles, en majorité empruntés à d'autres qui eux-mêmes les avaient déjà pris ailleurs. Et le spectacle est vivant, en temps réel. On peut se retrouver à écrire une réaction ou un commentaire et en même temps d'autres réactions et commentaires viennent s'ajouter. On est dans l'univers de Facebook comme un touriste à Disneyland ou aux studios Universal. On ne sait où donner de la tête tant les divertissements rivalisent entre eux et touchent tous les champs de l'action sociale. Et c'est en cela que l'appellation « sociale » entre peut se justifier. Mais ça s'arrête là.

Mais en fin de compte, à quoi peut bien servir Facebook ?

D'un côté, c'est le parc d'attraction géant et protéiforme où chacun trouve son compte de passivité ou d'activité. En somme, c'est un excellent moyen de contrôle, une sorte de nouvelle congrégation sans le merdier religieux. Et en plus, c'est une initiative du secteur privé donc l'institution est sauve, lavée de tout soupçon de volonté normative. Les américains ont inventé mieux que l'Eglise pour former et façonner les esprit : ça s'appelle le marketing.
De l'autre, Facebook est un Speaker's Corner mondial où ceux et celles qui ont un message peuvent le faire passer à autant d'inscrits que possible. La stratégie est simple : se faire un maximum de relations (l'objectif étant d'en toucher environ un bon millier) et ensuite de répandre son message avec plus ou moins d'adresse. le message peut être politique, social, philosophique, religieux ou, le plus souvent, commercial. Il est là en marge, dans la publicité, mais aussi déguisé sous forme de petites applications rigolotes, de tests et de quizz sur votre personnalité, sur vos goûts, sur vos intentions...

Facebook est l'un des projets les plus intéressants de ces dernières années au même titre que des choses plus avant-gardiste comme Second Life ou plus terre-à-terre comme eBay. Il fait la démonstration que l'Internet et les internautes sont prêts pour participer à des projets d'expérimentation et d'influence en temps réel sans plus aucune réticence ou contestation. Ne reproduisant pas le modèle mass-market, l'Internet marchand a été un échec relatif. Mais l'Internet Marketing est un succès complet. En jouant sur les leviers émotionnels et sur l'envie irrépressible de socialisation, les réseaux limités (professionnels ou « sociaux ») se sont imposés sans aucun problème. Et, bien que l'on produise une littérature abondante sur les problèmes d'identités numériques, de fichage ou de vie privée, peu de gens perçoivent que les réseaux sociaux ne sont que le cheval de Troie de la monétisation des données personnelles.

Facebook démontre que les débats sont dépassés. Peu importent votre nom, votre date de naissance ou encore votre situation amoureuse. Ce qui importe c'est votre réaction ou non-réaction à des stimuli dans le grand laboratoire Facebook. Il a suffit d'appliquer la règle « du pain et des jeux » qui, transposée à Facebook, devient : des relations sociales et du divertissement. Avec une recette simple, des dizaines de millions de gens sont devenus les rats de laboratoire dont rêvaient les grandes compagnie de stratégie et de consulting.

Alors, dans ces conditions, pourquoi continuer à pratiquer Facebook et à l'alimenter ?

La question est légitime et la réponse évidente. La particularité de Facebook et des autres « réseaux sociaux » est qu'à tout moment un rat de laboratoire peut se transformer en expérimentateur. En prenant conscience des mécanismes en place, il est possible de créer un espace de réflexion et de discussion qui fausse l'intention première des concepteurs. Pour cela, il suffit de ne pas adhérer à la règle du jeu. Produire sa propre littérature, ses propres références, ne jouer à aucun des jeux proposés, n'adhérer qu'à peu de groupes et de causes tout en créant des groupes et des causes absurdes, ne cliquer sur aucune publicité, n'accepter aucune application apparemment utile, inventer des informations, raconter des histoires, foutre la pagaille... Voilà qui promet d'être plus intéressant que la satisfaction que procure la puissance de l'affichage, de l'exposition, que la jouissance de ce que Andy Warhol appelait « le quart d'heure de célébrité ».

Facebook n'offre rien de plus qu'un simple blog avec, en plus, la possibilité d'inviter des amis à venir faire la claque devant votre mur. Il n'est ni plus simple ni plus maniable que des service de blogs offerts gratuitement par nombre de fournisseurs (overblog, blogger, wordpress, etc.). Alors d'où vient son succès ? Tout simplement parce que c'est plus simple d'aller voir les singes en cage au zoo du coin que d'aller les observer de loin et patiemment en Tanzanie ou au Kenya.

30.5.09

| Où est la jeunesse ? |

Après un court séjour en Serbie, puis un saut dans le centre de la France, me voici dans le Sud à quelques kilomètres du centre européen d'entrainement de la SGI. Ma compagne, la mère de ma fille, participe au séminaire de la région Nord depuis jeudi et ce jusqu'à demain midi. C'est une occasion, encore, de faire un point sur le parcours et de se projeter vers l'avenir.
Le « séminaire bouddhique » n'a rien à voir avec le séminaire catholique. On n'y devient pas moine, ni prêtre. Il s'agissait au départ de permettre à cent cinquante participants de se retrouver dans un même lieu, de prier ensemble, d'étudier ensemble et d'échanger sur leurs expériences respectives de la pratique du bouddhisme. C'était un lieu de rencontre spirituelle où l'on pouvait s'éveiller à la pluralité des points de vue, à la richesse des différences, à la multiplicité des parcours.
Alors que je ne connaissais le bouddhisme de Nichiren que depuis seulement deux ans, j'ai participé à mon premier séminaire. Je me suis retrouvé dans la garrigue provençale, au pied de la Sainte Victoire avec 150 autres jeunes gens de 18 à 35 ans. C'était une époque étonnante où la jeunesse était présente dans le mouvement Soka, le mouvement pour la création de valeurs bouddhiques dans la société. Le souvenir qu'il m'en reste était que nous étions, filles comme garçons, les poumons de l'organisation. Nous participions à nombre d'activités bénévoles et nous avions le rôle d'animer les réunions de discussions par nos questions, nos expériences nombreuses et notre enthousiasme. Certes, nous n'étions pas tous solides, réfléchis ou empreints de bon sens. Mais c'était notre mission que de pousser le mouvement en avant en multipliant les aventures humaines.
Quand je regarde rétrospectivement cette époque, je me demande très sincèrement ce qu'il en reste. Car je ne vois aujourd'hui presque rien de cet extraordinaire désordre en action en train de constituer notre histoire. La jeunesse a disparue. Elle n'a pas entièrement quittée le mouvement. Seul(e)s certain(e) l'ont fait et pas tous de manière définitive. La plupart de ces membres de la jeunesse Soka sont devenus les hommes et les femmes de leurs départements respectifs. Car notre organisation copie la structure japonaise en séparant dialectiquement hommes et femmes, les jeunes hommes et les jeunes femmes, la jeunesse et le reste.
Alors que le maître spirituel de ce mouvement, Daisaku Ikeda, encourage depuis des décennies les pratiquants à trouver et à édifier des successeurs, nous autres français n'avons trouver personne pour nous succéder. Les jeunes sont devenus vieux et personne n'a prit réellement la relève...
Que nous est-il arrivé ? Quelles sont les raisons pour lesquelles la jeunesse française n'est visiblement pas intéressée ou bien peu informée sur le courant dynamique et révolutionnaire de notre mouvement de création de valeurs ?
On peut chercher et analyser, proposer des théories ou bien constater des faits et des événements déterminants, mais la vérité n'est pas dans les raisons superficielles que l'examen historique et factuel peut nous révéler. La seule et unique raison est l'épuisement de notre croyance. Nous, membres de ce mouvement pour la création de valeurs bouddhiques dans la société française, ne croyons plus à la possible réalisation de la paix par l'établissement d'une philosophie adaptée à notre temps, à notre société, à notre pays.
Oui, nous avons fini par constituer une articulation institutionnelle solide et conforme. Oui, nous proposons des cours d'étude sur les enseignements de Nichiren. Oui, nous faisons l'apologie du maître de la Soka Gakkai, Daisaku Ikeda. Oui, nous prions sincèrement, avec plus ou moins de régularité, devant l'objet de culte. Et oui, nous continuons d'organiser des réunions de discussion et des réunions générales pour nous encourager mutuellement de nos expériences respectives. Mais quels sont nos résultats concrets depuis 1962 ?
Ils sont faibles. Nous parvenons à peine à ne pas être mis à l'index dans des « référentiels » préjudiciables et anti-républicains. Nous peinons à réunir nos membres plus d'une fois par mois pour ne parler que des mêmes thèmes ressassés. Nous avons toutes les difficultés du monde à constituer un discours qui ne soit une parodie ou une exégèse du discours du maître, qui lui-même fait l'exégèse de Nichiren et son propre maître.
Socialement, nous sommes invisibles. Dans l'espace public, nous sommes inexistants. Et s'il prend l'envie à un curieux de vouloir nous étudier, il devra se décarcasser pour trouver des références fiables, propres, claires sur notre doctrine, nos convictions et les dogmes de notre école. Il ne s'agit pas de devenir les concurrents médiatiques des Témoins ou bien des Scientologues. Il ne s'agit pas non plus d'éclipser le bouddhisme lamaïste des tibétains ou bien l'élégance du zen. Mais il ne s'agit pas non plus de rester parqués dans notre pré carré, si bien rangé soit-il.
Tout cela n'est que le reflet de notre manque de croyance, notre manque de conviction qu'il y a une paix possible, une pédagogie efficace et bienveillance sincère qui permette de changer la société de manière abondante et inaltérable. Et parce que nous manquons de croyance, la jeunesse est incapable de nous suivre. Elle nous fuit... ou alors elle s'égare pour un moment seulement. Car la jeunesse ne se nourrit que de croyance. Elle ne dispose pas encore de l'expérience et de l'histoire pour bâtir son monde intérieur et encore moins un environnement ou une société. La jeunesse a besoin de croire, de toutes ses forces, dans un avenir, un projet d'envergure, un discours d'espoir. C'est la capacité de croyance qui caractérise la jeunesse. Et grâce à cette croyance, elle peut changer le monde.
Nous manquons de croyance et nous laissons filer les jours, les semaines, les années sans opérer la réforme intérieure nécessaire pour devenir le phare de la jeunesse. Et ce n'est ni en faisant l'apologie d'un vieillard, ni en se faisant le porte parole de ces discours, ni en montrant un façade institutionnelle lisse et uniforme que nous débuterons ce processus de changement. La jeunesse est un bien précieux et aucun jeune homme et aucune jeune femme ne l'échangera contre un mausolée à la gloire fanée d'un mouvement vivant désormais dans le passé.
Le futur de la jeunesse est devant nous. C'est ce que le président de la Soka Gakkai Internationale, Daisaku Ikeda, nous dit très clairement quand il déclare que la vie d'un homme commence à 60 ans ou bien à 80. Il s'agit une fois encore de rappeler à chacun que la Jeunesse ne désigne pas seulement une génération, ni une catégorie, mais bel et bien un état d'esprit combattif et opiniâtre. C'est avec cet état d'esprit que le fondateur de notre mouvement bouddhique, Nichiren, a composé son traité le plus important, La pacification du pays par l'établissement de l'enseignement correct. C'est aussi avec cet esprit que le premier président de la Soka Gakkai, Josei Toda (avant lui, la Soka Gakkai n'existait pas en tant que telle) a fait sa déclaration cinglante contre les armes nucléaires et condamner leur utilisation ou leur production. Enfin c'est toujours avec ce même esprit que mon maître spirituel, Daisaku Ikeda, a écrit la Révolution Humaine, attestant de l'esprit de la jeunesse au travers d'une monographie de son maître et du Mouvement pour la création de valeurs bouddhiques dans la société, la Soka Gakkai.
La Soka Gakkai, mouvement pour la création de valeurs bouddhiques dans la société, est un mouvement de la jeunesse, pour la jeunesse et par la jeunesse. Il est temps que nous nous en rappelions et que nous retrouvions cet esprit jeunesse que nous avons perdu en cours de route. C'est seulement de cette manière que nous pourrons construire une organisation dynamique, fraîche et nouvelle sur le long terme.
« Sur vos tombes, regrets. Sur la mienne, victoire éternelle...»

27.3.09

|L'action fait la force|

Ou comment sortir d'un univers de discours

L'une des injonctions paradoxales les plus courantes dans le discours des pratiquants du bouddhisme Soka est de dire que l'union fait la force, car un individu ne peut rien tout seul. Et dans le même temps, de promettre que la récitation de Nam-Myoho-Rengué-Kyo permet de tout transformer et de faire bouger l'univers tout entier.

Dans ce genre d'affirmation, il vaut mieux être clair.

Soit l'éveil d'un seul est stérile et inutile, soit l'éveil d'un seul au principe de nam myoho rengué kyo lui permet d'avoir une réelle influence sur le cours de l'Histoire. C'est l'un ou l'autre...

Si l'on s'en tient à l'enseignement de Nichiren, l'éveil d'un seul a une réelle influence sur les autres et donc sur l'Histoire. C'est ce qu'il signifie sans équivoque dans une lettre, La Tortue borgne et le bois de santal flottant (LT 4, 35) : « Moi seul, Nichiren, ai commencé à réciter cela au Japon. Pendant plus de vingt ans, depuis l'été de la cinquième année de l'ère Kencho (1253), moi seul ai récité Namu Myoho Renge Kyo jour et nuit, matin et soir, sans discontinuer. Par contre, ceux qui récitent le Nembutsu sont au nombre de dix millions. Nichiren ne bénéficie du soutien de personne, alors que les partisans du Nembutsu sont influents et de noble origine. Mais, lorsque le lion rugit, les autres animaux se taisent, et la seule ombre d'un tigre terrifie les chiens. Lorsque le soleil se lève dans le ciel, à l'est, la lumière de dix mille étoiles disparaît sans laisser de traces. »

Puis il en remet une couche dans une autre lettre, L'Entité réelle de tous les phénomènes (Shoho Jisso Sho, LT 1, 97) : « Au commencement, moi seul, Nichiren, ait récité Namu Myoho Renge Kyo. Puis deux, trois, cent personnes ont suivi, le récitant et le transmettant aux autres. C'est également ce qui se passera dans l'avenir. »

Cette dernière déclaration, faite au 13e siècle s'est vérifiée. Aujourd'hui un peu plus de dix millions de personnes dans le monde récitent nam-myoho-rengué-kyo. Il est probable, par une simple intuition statistique, que le nombre des personnes connaissant ou ayant récité (pour essayer) nam-myoho-rengué-kyo soit trois ou quatre fois plus grand. Entre temps, la population de la planète a augmenté de manière géométrique jusqu'à un seuil vertigineux jamais imaginé.

Toutefois, si la SGI, le mouvement majoritaire dans les divers groupes qui se réclament de Nichiren, est la conséquence de cette déclaration, et par là même la preuve qu'un seul individu éveillé peut changer le cours de l'histoire, il reste à se demander ce que vont faire les millions de pratiquants actuels. En effet, Nichiren était un moine japonais, seul et perdu dans une île lointaine. Par son action et sa détermination visionnaire, il a une influence réelle sur des millions de gens à travers bientôt huit siècles d'histoire. Mais nous, qui vivons mieux, qui bénéficions de moyens de communication modernes, de richesses inégalées, d'une conscience réelle de tout se qui se déroule dans le monde, que faisons-nous ?

Dans les trente dernières années, je n'ai personnellement noté aucune amélioration, ni progrès, ni même action concrète et déterminante pour la paix des peuples ou émancipation des individus. Au fil de mes lectures et de mes entretiens avec mes pairs, je n'en ai pas appris plus. Certes, je peux raconter des aventures et des moments privilégiés au cours desquels des personnalités hors du commun se sont illustrées sur des chemins nouveaux, libres et pacifiques. Mais force est de constater que l'histoire des hommes reste très imperméable aux idéaux de bonheur, de justice, d'égalité, de fraternité, de liberté de pensée ou d'action et ce malgré des discours et des déclarations tantôt utopistes, tantôt idéalistes.

Cela signifie-t-il que les enseignements de Nichiren soient faux ? Que les interprétations que l'on en fait sont inexactes, erronées...?

Ou cela ne signifie-t-il pas plutôt que nous n'avons pas encore dépasser le stade de l'enfance et que nous nous contentons de ramasser les fruits et les bienfaits cultivés par d'autres, sans jamais prendre le temps de semer et de cultiver nous-mêmes de nouveaux bienfaits pour les générations futures.

Nous bénéficions directement ou indirectement des actions d'individus seuls mais déterminés à changer leur monde et celui qu'ils et elles envisageaient pour le lendemain. Et nous qui habitons dans ce lendemain, nous oublions d'agir à notre tour, de changer notre monde et celui de demain. Nous parlons beaucoup, nous déclarons nos intentions, nous professons nos espoirs et notre credo, arguant qu'il est suprême ou souverain, mais concrètement notre action est faible. Que nous soyons pratiquants chevronnés ou simples sympathisants, nous ne produisons que peu de valeurs réelles, peu d'actions d'envergure et surtout nous continuons de faire trop de compromis avec une réalité moche, inique et parfaitement intolérable du point de vue humain.

Il y a 800 ans, le moine Nichiren a fait son boulot. Il n'avait pour lui que son kimono, sa carcasse, sa mémoire prodigieuse, sa culture bouddhique et son esprit de recherche. 800 ans plus tard, il permet à des millions de bénéficier d'un moyen unique et simple de transformer une existence de merde en une vie riche et nouvelle. Considérant que la SGI fêtera bientôt son 80e anniversaire, nous devrions voir des signes distincts et clairs d'améliorations individuelles et collectives à commencer par le Japon (où résident les 4/5e des pratiquants du monde).

Quelque chose cloche, n'est-ce pas ? Au Japon, la récession est galopante. La jeunesse détruite par la violence juvénile et le plus fort taux de suicide avant 18 ans (au coude à coude avec la Suède, autre modèle social). Les retraités divorcent en masse, incapables de vivre ensemble après trente ans d'une existence décalée. La politique est un panier de crabes dans lequel même le Komeito (parti « propre ») n'est pas épargné... Inutile pour moi d'évoquer la « crise » actuelle pour le reste du monde.

Alors soit les enseignements de Nichiren ne sont pas valides, soit nous ne faisons pas notre travail. Nichiren ne pouvait pas changer la politique et la culture de son pays à lui tout seul. Mais nous ne sommes plus seuls. Nous sommes légions. Donc je pense très sincèrement que nous ne faisons pas notre part du marché. Nichiren nous donne le moyen de faire la révolution nécessaire à l'intérieur. En échange, nous faisons pacifiquement et sans fléchir la révolution à l'extérieur.

Pour ma part, je ressens que les gens, d'une manière générale, sont peu informés de ce qui se passe dans le monde, de ce qu'est l'esprit Soka, de ce qu'est l'éveil et l'enseignement de Nichiren, de ce que cela signifie dans des domaines comme l'économie, la politique, les relations sociales, les structures de la famille, de la parenté, du couple, dans les relations internationales, dans la diplomatie ou encore dans les articulations et les évolutions de nos sociétés qu'elles soient occidentales et industrialisées ou autres... Alors je prend sur mon temps pour publier des articles de fond, des notes, des traductions de textes inaccessibles en français... J'agrège des liens, des idées, des initiatives, des volontés et des bénévoles autour de projets permettant à tout un chacun de connaître le monde dans lequel il et elle vivent, la vision bouddhique que l'on peut en avoir et les alternatives qui existent face à un néolibéralisme destructeur et déclinant. Et comme les gens lisent de moins en moins, je passe à l'étape audiovisuelle (qui est mon métier) pour produire encore plus de documents de référence et pour essayer du mieux possible de créer un espace public construit autour d'actions concrètes, d'initiatives parfois locales, parfois internationales, de réalisations diverses qui prouvent qu'un monde nouveau peut émerger pourvu qu'on y croit et que l'on se donne les moyens de le mettre en œuvre.

Le processus de l'éveil n'est pas, à mon sens, un examen de conscience nombriliste. Il n'est pas non plus un exercice spirituel permettant de s'adapter à une réalité extérieure désagréable. L'éveil est une démarche permanente, quotidienne et concrète. Il se traduit dans le réel par des actes, des productions, des gestes et des constructions. Alors, la prière d'accord. Le partage, pas de problème. La communion, pourquoi pas. L'idéal, ce ne sera pas du luxe... Mais avant toute autre chose, passons à l'âge adulte et soyons à la hauteur de nos prétentions. Et si nos prétentions sont le monde, alors il va falloir s'y mettre dès maintenant...

20.2.09

|Une vie toxique|

Ou la difficulté de vivre dans un environnement hostile
La vie a commencé sur notre planète dans un environnement parfaitement insalubre et totalement agressif, au point que les premières bactéries ont dû modifier leurs structures génétiques afin de commencer à produire des produits chimiques capables de transformer les composants de leur environnement particulièrement toxique.
D'abord sous forme végétale, puis animale, les organismes complexes se sont eux aussi développés dans des milieux dans lesquels aucun de nous n'aurait pu survivre plus de dix minutes sans succomber à une affection spontanée fulgurante ou un choc allergique mortel.
Les aménagements provoqués par la relation entre l'environnement (variations de températures, échanges chimico-physiques, productions et transformations d'origine gazeuse ou minérale, mécanique des fluides et des solides, etc.) et les organismes complexes autonomes (bactéries, faune, flore) peuvent être apparentés à la fois à une extraordinaire mécanique combinatoire merveilleusement harmonieuse ou bien à une guerre totale, sans pitié et apocalyptique. Cela ne repose que sur une manière de percevoir l'existence et la représentation que l'on s'en fait.
Malgré cette paradoxale conflagration permanente à tout les niveaux, macro comme microscopiques, les individus continuent de soutenir l'idée farfelue qu'il y aurait un état naturel d'équilibre et de symbiose qui assurerait une hypothétique sécurité physique et mentale, une sorte de moment paradisiaque duquel découlerait à un état intérieur de calme et de perfection. Ce mythe, car il s'agit d'un mythe, se perpétuerait ad vitam (ou ad nauseam) dès lors que nous, les individus apparemment les plus évolués de cette planète, serions enfin en osmose avec l'environnement, adaptant notre comportement à l'infinie diversité d'événements qui surviennent, plutôt que de tenter de réduire et de contrôler notre espace de vie...
Ce mythe repose tout entier sur une perception de l'univers et de l'environnement chaotique, destructeur, inorganisé, auquel l'être humain ne fait qu'ajouter plus de destruction, de toxicité, de pollution et de chaos. Il part de l'idée que le monde est impur et que l'esprit éclairé (on ne spécifie pas ici par quelle lumière) saurait remettre tout cela dans l'ordre et la pureté (originelle ou potentielle) par une juste relation avec l'univers et l'environnement. Et donc ce mythe repose sur une idée (très humaine) d'un monde originel ou d'un univers potentiellement pure, calme, parfait, harmonieux...
Partant de ce mythe, la société moderne (ou post-moderne) s'invente des mouvements convulsifs de résistance aux changements et aux transformations qui naissent des innovations produites par cette même société moderne (ou post-moderne). On combat les OGM. On conspue l'industrie chimique. On jette l'anathème sur la malbouffe. On rejette l'électronique, le plastique, les cosmétiques, le téléphone sans fil, la radio, la télé, la bagnole... En bref toutes les saloperies que nous avons inventés et produites pendant les 300 dernières années.
Ce rejet (ou ces combats citoyens pour l'écologie et le développement durable) n'est pas un simple fonctionnement réactionnaire et conservateur, nostalgique d'un passé fiction où les souvenirs d'antan étaient infiniment plus vivables que les horreurs actuelles. Il n'est pas non plus le fruit d'une analyse puritaine d'un monde tombé dans la consommation et la débauche. Et il n'est pas non plus les prémices d'un mode de vie alternatif qui n'a jamais concerné qu'une frange asociale.
Le rejet et le militantisme contre toute forme d'innovation est le résultat du télescopage avec le futur. Notre développement individuel et collectif a considérablement accéléré notre rythme de vie, la vitesse de développement de nos sociétés et raccourci les cycles de renouvellement des progrès technologiques, scientifiques, humains... Tout ça va trop vite et nous n'avons plus le temps d'imaginer une nouvelle façon de vivre avec toutes ces nouveautés. Il y en a trop, trop vite, trop diverses et trop nombreuses pour que notre capacité d'intégration soit capable de les traiter toutes dans le laps de temps qui les séparent de la prochaine vague d'innovations.
Alors nous fermons le guichet. Nous refusons. Nous sommes dans le déni, total ou partiel. Nous endiguons le ras de marée en produisant des barrières mentales, puis des discours fermés puis des attitudes intégristes et exclusives. Les moins résistants finissent chez le psy. Les plus résistants rejoignent les rangs des fantassins dans de vaines croisades contre le progrès trop grand et trop rapide. Car militant veut aussi dire soldat (lat. miles, le soldat).

Mais pourquoi choisir la posture du combat ?
La première raison est la pollution intellectuelle et spirituelle dans laquelle nous vivons. Tout le monde veut entrer dans notre tête et la bourrer d'une quantité astronomique d'informations publicitaires (pour la plupart), politiciennes, propagandistes, institutionnelles, quand ils ne s'agit pas de conditionnements pures et simples. Les marchands, les politiques, les leaders d'opinions, les spécialistes de ceci ou de cela, les chantres de l'économie, les défenseurs de causes perdues ou gagnées et tous les autres forment une légion qui marche sur notre cerveau, oblitère toute forme de pensée indépendante et créative, efface notre imaginaire pour le remplacer par une purée marron et informe dans laquelle ils planteront leurs idées médiocres, leurs avis misérables, leurs mots mal choisis et impropres, les discours creux et dépourvus de sens...
Nous avons la tête polluée par les autres et par nos propres stupidités. Cela encombre et occulte notre capacité créative et de ce fait nous voilà incapables de faire face à la plus modeste des nouveautés.
La seconde raison est que nous avons l'illusion que notre identité, nos goûts, nos idées, nos avis, nos représentations sont vraies et immuables. Et tout ce qui vient perturber ou contredire notre personnalité, notre ego, notre identité est ennemi. Il faut le rejeter, le confiner dans une cellule sous terre, l'oublier, l'occulter, l'effacer, le faire taire, le tuer, le détruire... Cette identité est une illusion, de la fumée, une fiction plus ou moins bien ficelée que nous croyons être nous, mais qui a été construite de bric et de broc au travers de l'éducation reçue, des influences diverses lors de l'enfance, de l'instruction scolaire, des contacts heureux ou malheureux avec la société, les sociétés, le monde... Et comme c'est la seule chose que nous connaissons, nous pensons (à juste titre peut-être) que c'est la réalité...
Pauvres de nous. Incapables de savoir qui nous sommes réellement, pollués par notre itinéraire, assaillis par le cyclone permanent et en évolution exponentielle de l'information bidon, nous sommes incapables d'examiner calmement un événement, une nouveauté, d'en tirer des leçons et de l'améliorer comme il se doit. Et finalement, nous prenons le parti de devenir les soldats d'un mouvement de réaction contre le progrès, contre ce que nous avons nous mêmes appelé de nos vœux, secrètement ou bien ouvertement désiré, de ce que notre avidité insatiable de nouveautés et de sensations invoque sans cesse.
Oui, nous vivons dans un monde toxique. Dès la naissance, comme le dit le philosophe, nous souffrons d'une maladie incurable qui nous mène au tombeau : la vie. Cette dernière est nocive aussi bien que prodigieuse mais les yeux fermés par l'aveuglement, les oreilles bouchées par la stupidité et la bouche cousue par l'étroitesse d'esprit, nous manquons de voir les merveilles et nous passons trop de temps à gesticuler sans cesse contre ceci, contre cela, pour finir épuisés, déçus, abattus, désespérés, pour ne pas dire déprimés... Car l'individu ne peut combattre le flux du temps, pas plus seul que collectivement.

Alors que faire ?
Un slogan de 68 (comme c'est loin...) scandait : « Soyez raisonnables, demander l'impossible ! » Et pourquoi pas ? Pourquoi ne pas demander l'impossible ? Le beurre et l'argent du beurre... Notre problème ce ne sont pas les téléphones portables, c'est le peu de soins et le prix démesuré qui est demandé pour une prestation nocive et de mauvaise qualité. Et tout cela pour le plus gros paquet de fric dans la poche d'obscurs et anonymes actionnaires qui peut-être sont vos gentils voisins. Notre problème ce n'est pas la pollution chimique c'est l'irresponsabilité de chaque employé d'AREVA, de MONSTANTO, de SUEZ, de TOTAL ou de VEOLIA qui accepte contre un salaire de misère d'aller faire une parcelle du sale boulot de ces « grands » groupes et de nous polluer l'organisme au chlore, aux phosphates, au paraben, aux phtalates, à la dioxine, au souffre, au mercure... On peut accuser les gros PDG et les banques, mais qui leur donne l'argent, le temps, la sueur, les efforts, la vie... Nous ! Toujours nous ! Et encore nous !
Nous sommes les artisans des catastrophes qui nous tombent sur le coin de la gueule. Nous passons notre temps à nous plaindre de tout, à pleurer sur ce qui nous arrive, à combattre contre des moulins à vent, à faire semblant de faire de la politique en mettant le bulletin dans l'urne... Et finalement nous laissons d'autres décider de tout à notre place. Nous leur donnons tout : notre argent, notre temps, notre imagination, nos sentiments, et plus précieux encore notre vie. Et pour couronner le tout, nous le faisons de notre plein gré, sans sourciller, sans rechigner, comme de bons moutons bien éduqués, bien dressés. Nous n'avons donc aucune excuse... Et pour tout dire, nous n'avons pas de projet pour le substituer au projet d'esclavage mondial qui s'organise bien tranquillement en ce moment même.
Nous ne sommes pas bêtes. Nous sommes des bêtes... La question n'est donc pas quand arrêterons-nous de consommer des téléphones portables. La question est : quand arrêterons-nous de bêler en troupeaux ? La vie est toxique. C'est vrai. Mais de tous les éléments toxiques que nous pouvons rencontrer dans l'univers, devinez qui est le plus toxique pour l'instant ?

Nous...

8.2.09

| La stratégie du sûtra du Lotus |

La stratégie du Sûtra du Lotus, qu'est-ce que c'est ?
Il y a bien des façons de répondre à cette question, tant du point de vue des enseignements de Nichiren que du point de vue de la tradition mahayaniste du Sûtra du Lotus.
La stratégie du Sûtra du Lotus, à la lecture de la lettre intitulée ainsi, pourrait être entendue comme : « d'abord tu fais daimoku, et ensuite tu vois venir. » Et c'est souvent ce qu'on entend.
Sous prétexte que les divinités bouddhiques nous protègent en tant que pratiquants du Sûtra du Lotus, notre pratique suffira à faire apparaître des solutions... voire les meilleures solutions. Cette interprétation est certes rassurante mais inexacte du point de vue du bouddhisme et plus particulièrement des enseignements de Nichiren Daishonin.
Dans la pratique quotidienne du bouddhisme, le point de départ de toute chose est l'individu. C'est l'individu qui perçoit son environnement et c'est lui qui dote ce dernier des attributs de l'éveil ou de la souffrance. Tout dépend de sa perception. Mais la seule perception juste (première des huit nobles voies) ne suffit pas pour réaliser sa mission dans cette vie et parvenir à établir une existence solide.
C'est ce que Nichiren évoque dans cette lettre quand il parle de l'épuisement de la bonne fortune. Il signifie ainsi qu'une force motrice est nécessaire pour alimenter une perception juste. Cette force motrice, ou force vitale, découle du principe inhérent à toute vie, à l'entité réelle de tous les phénomènes, à la Loi merveilleuse exposée dans le Sûtra du Lotus, en bref, tout découle de Myoho Rengué Kyo.
La foi devient alors le pivot déterminant dans la démarche de tout individu. Quelle que soit sa capacité de perception de la situation, sa force propre, ses moyens et ses ressources matérielles, l'individu épuisera toute sa bonne fortune face aux différentes situations qu'il traversera au cours de sa vie. Sans une foi solide, c'est-à-dire une activité spirituelle réelle et profonde, l'individu n'aura aucune possibilité de régénérer, de reconstituer sa bonne fortune lorsqu'elle sera épuisée.
A la lumière de cet enseignement, Nichiren encourage son disciple Shijo Kingo à utiliser la stratégie du Sûtra du Lotus avant toute autre. Il s'agit donc de poursuivre une pratique spirituelle fondée sur les principes livrés dans le Sûtra du Lotus. Nichiren rassemble cette pratique spirituelle dans la récitation de Daimoku et dans l'établissement du Gohonzon comme objet de culte.
Il invite également Shijo Kingo à considérer le guet-apens qui lui a été tendu et duquel il s'est tiré indemne comme le signe que sa bonne fortune n'est pas épuisée et que l'action protectrice des divinités est efficace. Il conclut en déclarant sans concession que la lâcheté est autant l'absence de foi que la complaisance dans la plainte et les récriminations contre l'environnement et les coups du sort.
La stratégie du Sûtra du Lotus repose sur la pratique régulière afin d'alimenter sa propre force vitale et revitaliser sa propre bonne fortune. Cette pratique soutient l'action concrète de l'individu en fonction de sa mission personnelle. Il ne s'agit donc pas d'une posture intellectuelle d'attente ou de dépendance vis-à-vis des divinité bouddhiques.
Dans cette démarche, il n'y a plus de confusion entre les stratégies personnelles nécessaires pour mener à bien sa mission en cette vie et la stratégie du Sûtra du Lotus nécessaire pour maintenir un état de vie élevé et une existence solide. La confusion, s'il y a, ne repose que sur une mauvaise appréciation de la situation, d'une posture d'attente (et de victime) et surtout d'un manque de foi dans la résolution des difficultés et de leur pouvoir moteur dans notre développement.
En clair, pas de place pour la plainte, ni pour la providence. Le bouddhisme est une philosophie de l'action et une éthique de la responsabilité personnelle dans la construction de sa propre destinée.