Non, monsieur le président.
Nous ne sommes pas des lignes comptables dans votre logiciel de gestion. Nous ne sommes pas des SKU (Stock Keeping Units) que l'on déplace au gré des besoins, des offres ou des demandes. Nous ne sommes pas le résultat de bilans, de plans de trésorerie, de BFR (besoins en fonds de roulement). Et nous ne sommes certainement pas les facteurs passifs de vos ajustements économiques.
Non.
Nous ne sommes pas des pions, des mécaniques, des logiciels, des apps. Nous ne sommes pas des profils, des fiches, des formulaires, pas plus que nos CNI, nos passeports, nos livrets de familles ou nos extraits de naissance ne disent qui nous sommes. Nous ne sommes pas des victimes, des blessés, des porteurs de charges virales, des accidentés, des contrevenants, des contribuables, des électeurs ou des morts. Nous n'entrons pas dans les catégories, les classes, les colonnes et les cellules dans lesquels vous voulez nous mettre.
Non.
Notre vie n'est pas un graphique, une courbe, un vecteur, un azimut ou une formule.
Non.
Nous ne sommes rien de tout cela. Car nous ne sommes pas une masse homogène, un groupe, des groupes, une population, des minorités, visibles ou invisibles.
Non.
Nous ne sommes pas une somme. Ni la somme de tous les instants de notre vie. Ni la somme de toutes les dettes accumulées. Ni somme de tous les papiers reçus. Ni la somme de toutes les étiquettes que vous, les programmeurs politiques, voulez, impérativement et d'autorité, nous coller sur le dos à l'instar des dossards de cyclistes ou d'athlètes de football.
Non.
Nous ne sommes pas un compte en banque, un plan d'épargne, un crédit immobilier, une SCI, une EURL, un portefeuille d'actions, un crédit d'impôts, une hypothèque, un bien, un actif, un "asset", un produit financier.
Non, nous ne sommes rien de tout cela.
Nous ne vivons pas pour manger, pour nous tuer à la tâche, pour enrichir des propriétaires ou des actionnaires, pour consommer ce que la grande distribution veut bien nous vendre, pour absorber les excédants de production ou combler les manques à gagner. Nous ne vivons pas pour dépenser notre existence en vain dans des systèmes inégalitaires, ignobles, inhumains.
Nous ne sommes pas votre bétail.
Nous sommes les désirs, les rêves, les espérances, les projets, les expériences.
Nous sommes l'amour, la sensibilité, la joie, la compassion, le dévouement, la sympathie, la tendresse.
Nous avons le sens de la justice, de l’équité, du partage, de la solidarité, de l’altruisme.
Oui, nous sommes humains.
Nous sommes la diversité, les caractères uniques, les différences, les singularités, les goûts et les couleurs, les regards et les écoutes, la chaleur et le sourire, le silence comme l’échange, le mot doux aussi bien que le clin d’œil.
Plus que la somme de toutes nos différences, nous sommes le résultat de toutes les interactions, avec notre univers intérieur, avec les autres, avec l’écosystème qui nous entoure. Ce miracle permanent ne saurait être quantifié, ni réduit à des dates, des épisodes, des séries de chiffres absurdes et sans valeur poétique.
Nous sommes la vie.
Et vous, monsieur le président, vous n’êtes rien.
La fin du monde
Il y a 11 ans