30.5.09

| Où est la jeunesse ? |

Après un court séjour en Serbie, puis un saut dans le centre de la France, me voici dans le Sud à quelques kilomètres du centre européen d'entrainement de la SGI. Ma compagne, la mère de ma fille, participe au séminaire de la région Nord depuis jeudi et ce jusqu'à demain midi. C'est une occasion, encore, de faire un point sur le parcours et de se projeter vers l'avenir.
Le « séminaire bouddhique » n'a rien à voir avec le séminaire catholique. On n'y devient pas moine, ni prêtre. Il s'agissait au départ de permettre à cent cinquante participants de se retrouver dans un même lieu, de prier ensemble, d'étudier ensemble et d'échanger sur leurs expériences respectives de la pratique du bouddhisme. C'était un lieu de rencontre spirituelle où l'on pouvait s'éveiller à la pluralité des points de vue, à la richesse des différences, à la multiplicité des parcours.
Alors que je ne connaissais le bouddhisme de Nichiren que depuis seulement deux ans, j'ai participé à mon premier séminaire. Je me suis retrouvé dans la garrigue provençale, au pied de la Sainte Victoire avec 150 autres jeunes gens de 18 à 35 ans. C'était une époque étonnante où la jeunesse était présente dans le mouvement Soka, le mouvement pour la création de valeurs bouddhiques dans la société. Le souvenir qu'il m'en reste était que nous étions, filles comme garçons, les poumons de l'organisation. Nous participions à nombre d'activités bénévoles et nous avions le rôle d'animer les réunions de discussions par nos questions, nos expériences nombreuses et notre enthousiasme. Certes, nous n'étions pas tous solides, réfléchis ou empreints de bon sens. Mais c'était notre mission que de pousser le mouvement en avant en multipliant les aventures humaines.
Quand je regarde rétrospectivement cette époque, je me demande très sincèrement ce qu'il en reste. Car je ne vois aujourd'hui presque rien de cet extraordinaire désordre en action en train de constituer notre histoire. La jeunesse a disparue. Elle n'a pas entièrement quittée le mouvement. Seul(e)s certain(e) l'ont fait et pas tous de manière définitive. La plupart de ces membres de la jeunesse Soka sont devenus les hommes et les femmes de leurs départements respectifs. Car notre organisation copie la structure japonaise en séparant dialectiquement hommes et femmes, les jeunes hommes et les jeunes femmes, la jeunesse et le reste.
Alors que le maître spirituel de ce mouvement, Daisaku Ikeda, encourage depuis des décennies les pratiquants à trouver et à édifier des successeurs, nous autres français n'avons trouver personne pour nous succéder. Les jeunes sont devenus vieux et personne n'a prit réellement la relève...
Que nous est-il arrivé ? Quelles sont les raisons pour lesquelles la jeunesse française n'est visiblement pas intéressée ou bien peu informée sur le courant dynamique et révolutionnaire de notre mouvement de création de valeurs ?
On peut chercher et analyser, proposer des théories ou bien constater des faits et des événements déterminants, mais la vérité n'est pas dans les raisons superficielles que l'examen historique et factuel peut nous révéler. La seule et unique raison est l'épuisement de notre croyance. Nous, membres de ce mouvement pour la création de valeurs bouddhiques dans la société française, ne croyons plus à la possible réalisation de la paix par l'établissement d'une philosophie adaptée à notre temps, à notre société, à notre pays.
Oui, nous avons fini par constituer une articulation institutionnelle solide et conforme. Oui, nous proposons des cours d'étude sur les enseignements de Nichiren. Oui, nous faisons l'apologie du maître de la Soka Gakkai, Daisaku Ikeda. Oui, nous prions sincèrement, avec plus ou moins de régularité, devant l'objet de culte. Et oui, nous continuons d'organiser des réunions de discussion et des réunions générales pour nous encourager mutuellement de nos expériences respectives. Mais quels sont nos résultats concrets depuis 1962 ?
Ils sont faibles. Nous parvenons à peine à ne pas être mis à l'index dans des « référentiels » préjudiciables et anti-républicains. Nous peinons à réunir nos membres plus d'une fois par mois pour ne parler que des mêmes thèmes ressassés. Nous avons toutes les difficultés du monde à constituer un discours qui ne soit une parodie ou une exégèse du discours du maître, qui lui-même fait l'exégèse de Nichiren et son propre maître.
Socialement, nous sommes invisibles. Dans l'espace public, nous sommes inexistants. Et s'il prend l'envie à un curieux de vouloir nous étudier, il devra se décarcasser pour trouver des références fiables, propres, claires sur notre doctrine, nos convictions et les dogmes de notre école. Il ne s'agit pas de devenir les concurrents médiatiques des Témoins ou bien des Scientologues. Il ne s'agit pas non plus d'éclipser le bouddhisme lamaïste des tibétains ou bien l'élégance du zen. Mais il ne s'agit pas non plus de rester parqués dans notre pré carré, si bien rangé soit-il.
Tout cela n'est que le reflet de notre manque de croyance, notre manque de conviction qu'il y a une paix possible, une pédagogie efficace et bienveillance sincère qui permette de changer la société de manière abondante et inaltérable. Et parce que nous manquons de croyance, la jeunesse est incapable de nous suivre. Elle nous fuit... ou alors elle s'égare pour un moment seulement. Car la jeunesse ne se nourrit que de croyance. Elle ne dispose pas encore de l'expérience et de l'histoire pour bâtir son monde intérieur et encore moins un environnement ou une société. La jeunesse a besoin de croire, de toutes ses forces, dans un avenir, un projet d'envergure, un discours d'espoir. C'est la capacité de croyance qui caractérise la jeunesse. Et grâce à cette croyance, elle peut changer le monde.
Nous manquons de croyance et nous laissons filer les jours, les semaines, les années sans opérer la réforme intérieure nécessaire pour devenir le phare de la jeunesse. Et ce n'est ni en faisant l'apologie d'un vieillard, ni en se faisant le porte parole de ces discours, ni en montrant un façade institutionnelle lisse et uniforme que nous débuterons ce processus de changement. La jeunesse est un bien précieux et aucun jeune homme et aucune jeune femme ne l'échangera contre un mausolée à la gloire fanée d'un mouvement vivant désormais dans le passé.
Le futur de la jeunesse est devant nous. C'est ce que le président de la Soka Gakkai Internationale, Daisaku Ikeda, nous dit très clairement quand il déclare que la vie d'un homme commence à 60 ans ou bien à 80. Il s'agit une fois encore de rappeler à chacun que la Jeunesse ne désigne pas seulement une génération, ni une catégorie, mais bel et bien un état d'esprit combattif et opiniâtre. C'est avec cet état d'esprit que le fondateur de notre mouvement bouddhique, Nichiren, a composé son traité le plus important, La pacification du pays par l'établissement de l'enseignement correct. C'est aussi avec cet esprit que le premier président de la Soka Gakkai, Josei Toda (avant lui, la Soka Gakkai n'existait pas en tant que telle) a fait sa déclaration cinglante contre les armes nucléaires et condamner leur utilisation ou leur production. Enfin c'est toujours avec ce même esprit que mon maître spirituel, Daisaku Ikeda, a écrit la Révolution Humaine, attestant de l'esprit de la jeunesse au travers d'une monographie de son maître et du Mouvement pour la création de valeurs bouddhiques dans la société, la Soka Gakkai.
La Soka Gakkai, mouvement pour la création de valeurs bouddhiques dans la société, est un mouvement de la jeunesse, pour la jeunesse et par la jeunesse. Il est temps que nous nous en rappelions et que nous retrouvions cet esprit jeunesse que nous avons perdu en cours de route. C'est seulement de cette manière que nous pourrons construire une organisation dynamique, fraîche et nouvelle sur le long terme.
« Sur vos tombes, regrets. Sur la mienne, victoire éternelle...»