27.11.07

| Soka Gakkai et la tradition démocratique |

La question de la démocratie soulève de multiples interrogations. La confusion qui règne sur la notion même de démocratie est, en France (et ailleurs), l'une des principales sources de polémiques à l'intérieur et vis-à-vis du mouvement Soka. Mais Soka Gakkai est-elle une organisation démocratique ?

Dans sa définition, Soka Gakkai est une société, c'est-à-dire une association de personnes physiques ayant pour objet commun la création des valeurs telle qu'elle est comprise au travers de la Théorie des valeurs (Kachi Sozo), exposée et pensée par T. Makiguchi. Ce dernier l'avait pensée comme un club académique d'enseignants et de personnel du système pédagogique japonais. Mais très rapidement, Makiguchi va réunir la théorie de la création des valeurs et la pratique du bouddhisme de Nichiren Daishonin dans un seul et même mouvement.

Entouré d'un groupe d'intellectuels et d'enseignants, il mène une action de prosélytisme assez forte mais localisée dans le Japon expansionniste des années 30. La soka (Kyoiku) Gakkai de l'époque n'a pas de structure politique et ne fonctionne pas selon un schéma de représentation démocratique. Le recrutement dans l'organisation académique procédant de l'adhésion au culte du bouddhisme de l'école Nichiren Shoshu, les responsabilités et les positions sont dépendantes du nombre de convertis, modéré par le niveau d'érudition religieuse. Le corps monastique conserve à cette époque un ascendant puissant hérité des structures médiévales de l'administration Tokugawa. il demeure le garant de l'orthodoxie religieuse et philosophique.

De manière objective, on peut constater que tout au long de l'expansion agressive de l'empire japonais sur l'Asie (Chine, Corée, Birmanie, etc.), la Soka (Kyoiku) Gakkai ne s'inscrit en résistance ni à la militarisation du pays, ni à l'invention d'une fiction nationaliste et patriotique nippone, ni même à la subversion des institutions publiques au pouvoir fasciste de l'ère Meiji. Que ce soit dans la Révolution humaine (D. Ikeda), ou la Nouvelle révolution humaine (ibid.) ou même la Révolution de M. Gan (J. Toda), le détail des activités de M. Makiguchi et de la Soka (Kyoiku) Gakkai sont parcellaires et imprécis. Et pour ce qui est des opinions politiques ou des débats d'idées de l'époque, il n'y a quasiment aucune référence.

Cela ne signifie pas que l'organisation d'éducateurs construite par le premier président du mouvement Soka collaborait avec le pouvoir militaire japonais. Cela ne signifie pas non plus que les centaines de membres de cette organisation académique adhéraient aux idéaux nationalistes et bellicistes du Japon en guerre. Dans le contexte historique d'une société sortant à peine du Moyen-Âge, culturellement féodale et dominée par un culte religieux de l'autocrate impérial, il est probable que les pionniers japonais, en majorité issus des couches éduquées, aient entretenu des débats et des discussions animées sur les réalités politiques et sociales de leur temps.

Ce qui reste de cette époque, ce sont des photos en noir et blanc, qui nous donnent un sentiment d'extrême éloignement dans l'histoire et entretiennent une vision mythologique de ce moment pionnier et contemporain. Il reste aussi l'opposition farouche du président Makiguchi à la soumission de toutes les institutions religieuses au Shinto, érigé en culte d'état. Ce ne sont pas les ingérences institutionnelles, ni les surveillances policières qui sortent Makiguchi et son disciple Toda de leur réserve. C'est l'obligation de remplacer le Gohonzon par l'amulette Shinto (Kamifuda) qui mettra en action la résistance de Makiguchi, la lâcheté et la trahison de la Nichiren Shoshu et finalement la répression militaire qui enverra l'ensemble des dirigeants de l'organisation en prison pour crime de lèse-majesté.

La première Soka (Kyoiku) Gakkai était une société de forme collégiale, assez informelle articulée sur les mécanismes traditionnels japonais, c'est-à-dire des mécanismes de castes féodales et de respect inconditionnel de l'autorité. Les principaux acteurs de cette organisation des débuts étaient à la fois passionnés par l'éducation et par le parallèle entre une certaine forme progressiste de pédagogie sociale et le bouddhisme traditionnel japonais. La construction de la culture Soka des origines n'a pas besoin du concept de démocratie puisqu'elle n'est pas une organisation à but politique mais plutôt une société savante ayant une forte composante sociale.

La Soka Gakkai de Josei Toda, au sortir de la capitulation japonaise, n'a rien à voir avec l'organisation de son mentor. Cette nouvelle Société pour la création des valeurs est un mouvement populaire à vocation sociale, construite sur un fond religieux traditionnel. La Soka Gakkai que rebâtit Toda s'apparente plus aux courants évangélistes ou aux associations d'entraide européennes. Ce n'est plus le rapprochement philosophique entre la pédagogie et le bouddhisme qui servait de socle à Makiguchi, mais la superposition du bouddhisme de Nichiren Daishonin et de la création de valeurs dans la société qui anime le discours énergique et inspiré de Josei Toda. Sa propre expérience mystique individuelle, dont il livrera les détails dans ses propres écrits, certains de ses discours et dans sa correspondance, lui sert de fil conducteur pour mettre sur pied cette nouvelle organisation.

La deuxième Soka Gakkai démontre une structure parfaitement pyramidale articulée sur la structure urbaine propre à la société japonaise. Les cellules locales sont agrégées en groupes de cellules représentées par des responsables désignés et non élus par l'échelon supérieur. Ces groupes sont eux-même agrégés en formation régionales, elles-mêmes rassemblées en formations nationales. A chaque échelon, les représentants sont désignés par les cercles de l'échelon supérieur. Cette structure est à l'image de l'organisation traditionnelle des entreprises japonaises, qui imite le système d'organisation traditionnel asiatique d'influence confucéenne. La Soka Gakkai de Josei Toda n'a rien d'une association collégiale et dispose d'une structure fortement hiérarchisée et fonctionnelle.

La forme de démocratie qui s'exerce au sein de la Soka Gakkai japonaise des années 50 n'est ni participative, ni représentative, du moins pas au vrai sens du terme. Ce qu'elle a de particulier, c'est sa forme universelle d'expression. La démocratie s'exerce dans la participation motivée et individuelle de chaque pratiquant au travers de l'expérience du bouddhisme de Nichiren Daishonin sur le terrain de sa vie quotidienne. La démocratie s'exerce donc par le témoignage. C'est une démocratie testimoniale. Elle permet à chacun de faire pleinement l'expérience du bouddhisme de Nichiren à son niveau individuel par delà les échelons de l'organisation, l'ancienneté, le statut, l'origine, etc. C'est donc l'agrégation de toutes ces expériences personnelles qui forme la force motrice du mouvement depuis sa base jusqu'à son sommet.

Successeur de Josei Toda à la tête d'une organisation déjà dynamique et pesant socialement assez lourd sur une partie de la société japonaise, Daisaku Ikeda va lui aussi transformer la Soka Gakkai en une institution organique à dimension internationale. Son objectif n'est pas de porter un message de type évangélique à travers le monde tel un missionnaire bouddhiste, mais plutôt de sortir le bouddhisme de Nichiren de son carcan culturel japonais. C'est à ce seul titre, l'une des expériences philosophiques et religieuses les plus extraordinaires de notre temps. C'est ce mobile qui va alimenter la transformation institutionnelle qui fabrique la troisième Soka Gakkai, celle de Daisaku Ikeda.

Cette Soka Gakkai quitte, entre le début des années 60 et le milieu des années 70, sa structure militante (et parfois militaire) proche des grandes fédérations syndicales ou des organisations paroissiales, pour devenir une véritable institution intégrée à tous les niveaux et toutes les couches de la société japonaise. C'est sous l'impulsion du président Ikeda que va se créer le Komeito (parti politique), les universités Soka, les diverses institutions culturelles et patrimoniales (Musées Fuji, Min-On), d'abord au Japon puis à l'extérieur. C'est aussi sous son impulsion que se tissent des liens académiques dans toutes les grandes universités du monde, ainsi qu'avec un nombre considérable d'institutions culturelles majeures. Cet effort intérieur et extérieur conjugué aura pour effet notable la création d'une nouvelle entité, la Soka Gakkai Internationale.

Tout au long de cette séquence relaté de façon assez romancée (mais plus excitante que cet exposé) dans la Nouvelle révolution humaine (D. Ikeda, ACEP), un clivage s'est creusé entre les partisans du conservatisme national essentiellement religieux et les défenseurs d'une institution sociale et politique en quête d'affirmation de son identité laïque. Bien que très éloigné de la conception de la laïcité à la française, le Japon a hérité, par sa constitution et par l'occupation étrangère, d'une laïcité à l'américaine. Cette influence majeure se ressent dans bien des discours et des textes de Daisaku Ikeda des années 80 et début des années 90. Cette opposition entre une vision traditionnelle et monastique et une perspective humaniste et laïque du bouddhisme de Nichiren conduit au divorce, puis à l'exclusion pure et simple de la Soka Gakkai du courant de la Nichiren Shoshu.

La Soka Gakkai de Daisaku Ikeda a conservé la démocratie testimoniale qui forme toujours le moteur organique de l'institution internationale. Une autre facette est venu enrichir ce type particulier de démocratie sous la forme de la responsabilité sociale individuelle. Jusqu'à la banqueroute personnelle de Josei Toda, au début des années 50, les pratiquants, ou plutôt les militants, ne participaient pas de manière pécuniaire à la gestion ou au fonctionnement financier de Soka Gakkai. Ce revers de fortune permit à Toda de comprendre qu'il ne pouvait endosser la mission de faire vivre le mouvement seul et surtout permit aux militants de participer activement à la construction de la Soka Gakkai. Cette pratique du don est à rapprocher de la pratique du don dans les religions de salut universel occidentales telles que l'Islam (où le don est l'un des cinq piliers de la foi) ou la tradition hébraïque où les synagogues sont exclusivement soutenue par les dons de la communauté.

La Soka Gakkai de Daisaku Ikeda a non seulement encouragé le don comme pratique religieuse individuelle mais aussi valorisé ces dons par la construction de centres de pratique et de centres culturels, par l'édition d'une littérature abondante et diversifiée, de multiples organes de presse et par des actions culturelles efficaces et visibles. C'est cela qui a contribué à investir les pratiquants contemporains d'une véritable responsabilité sociale individuelle. Ainsi le pratiquant exprime son identité par son expérience personnelle du bouddhisme et aussi par son engagement personnel dans le développement de la société civile qui l'entoure. Cette forme subtile et non autoritaire de la démocratie se reflète dans le type d'expériences relatées dans les publications internationales de Soka Gakkai. Elles transparaissent également dans la multiplications des rubriques et des articles dans les organes de presse des associations étrangères au Japon et concernant tous les domaines de l'activité sociale des individus.

Ce qui frappe de prime abord, c'est l'absence d'intérêt de la Soka Gakkai pour la démocratie représentative ou même une démocratie d'opinion. Parallèlement, il est étonnant de voir qu'une organisation aussi structurée laisse une marge d'action considérable à ses adhérents dans leur engagements personnels. Comme si à l'encontre de l'image de conformisme et d'homogénéité, la Soka Gakkai s'inscrivait en creux d'une société apparemment lisse et autoritaire. Son fonctionnement ne repose donc pas sur les mécanismes classiques des enjeux de pouvoirs et d'influence, même si ces derniers ne sont pas absents de la dynamique interne et de l'intégration au sein de la société. Le levier n'est donc plus la capacité à contraindre, mais la capacité à créer des valeurs.

Dans la perspective d'une institution organique, Soka Gakkai propose à ses pratiquants d'être les représentants d'un idéal philosophique tout en étant les acteurs autonomes de la construction d'une société basée sur la création des valeurs. La démocratie qu'elle propose ne s'appuie ni sur la force de pression du groupe, ni sur la force charismatique des élites. La démocratie Soka s'exerce par l'expérience personnelle concrète, l'engagement individuel dans la société et l'autonomie par rapport aux institutions. La recherche du pratiquant est donc celle de l'intermédiation, du dialogue et de l'exemplarité à opposer à la compétition, à la subordination et à l'affrontement qui est le lot usuel de l'homme ordinaire.

Ainsi de la définition de démocratie, c'est-à-dire le "pouvoir du peuple", la philosophie Soka donne une lecture inédite. Elle désigne l'individu comme cellule fondamentale et propose la responsabilité personnelle comme mode d'expression du pouvoir. Le pouvoir, c'est la création individuelle et volontaire des valeurs (beauté, bonté, bénéfice)... Le peuple, c'est moi, c'est toi, c'est chacun d'entre vous...

23.9.07

| Le miracle de la prière |

Bien que les concepts de Dieu et du divin soient particulièrement malmenés par le modernisme et le culte de la science, il n'en va pas de même pour la notion de miracle. Pourtant, le miracle est par essence l'œuvre du divin, la manifestation du décalage entre les hommes et Dieu.

Tant du point de vue symbolique que du point de vue strictement philosophique, le Divin est ce qui nous dépasse et ce qui nous relègue au rang de créature... Sa créature, au même titre que Sa création. Albert Camus disait "Maudit soit ce monde qui nous relègue à Dieu..." A la fois provocation intellectuelle et cri du cœur, cette déclaration traduit l'incontournable tournure d'esprit occidentale qui continue de voir du Dieu partout et dans tout.

Le bouddhisme est par définition une philosophie athée. Et ce malgré la profusion de divinités dans l'imagerie, dans le statuaire, dans les concepts, dans le corpus de textes. Le bouddhisme classe les créatures divines au même rang que tout le reste des phénomènes. Elles ne sont pas ce qui nous engendre, nous les humains, mais une autre sorte de créatures aux limites et aux fonctions différentes. Il n'y a aucune filiation entre les dieux et nous. C'est le contraire absolu de la tradition judéo-chrétienne.

La Loi fondamentale de la vie (voir l'actuel cours de gosho sur le sujet dans Troisième Civilisation) n'est pas un principe générateur, qui serait à la source de toute chose, tels le Dieu d'Abraham, celui de Moïse ou encore celui des Evangiles. La Loi merveilleuse n'est pas non plus la cause initiale, car en Bouddhisme, il n'y a pas de moment initial, pas de moment zéro, pas de temps mort. La Loi merveilleuse est le principe par lequel le monde des phénomènes se développe sans cesse passant de l'état manifeste à l'état latent et inversement : vie, mort, vie mort, vie, mort, vie...

Myoho Renge Kyo, le principe qui imprègne tous les phénomènes de l'univers, n'est pas une force transcendantale ou une énergie intelligente. Elle serait instantanément en dehors du champs de l'Homme, et donc dans le plan du divin. Le principe de Myoho Renge Kyo est le lien dynamique qui unit tout ce qui est dans la réalité absolue. Pas d'autres mondes, pas de dimensions parallèles, rien qu'une seule réalité infinie en perpétuel renouvellement, propulsée par les mouvements des êtres sensitifs et non-sensitifs qui la peuplent... Et nous sommes parmi ces êtres.

L'étonnement, la magie du miracle, provient de ce que nous sommes bien souvent incapables de recevoir le bienfait de la pratique de Nam Myoho Renge Kyo, c'est-à-dire la prière. Elle réoriente notre existence individuelle dans l'axe de la vie universelle. Nos sens s'ouvrent à de nouvelles réalités physiques et intellectuelles, intérieures et extérieures, dans le temps (passé, présent, futur) et dans l'espace (moi, les autres, l'univers). Par la prière, ma vie individuelle est en harmonie, en phase, avec l'univers et collabore de son plein gré avec tous les phénomènes, au delà de mes préférences personnelles. Mais ces dernières participent aussi à la construction, instant après instant, de la vie universelle. Par la prière, j'établis un lien permanent, jour après jour, avec la vie de tous les autres êtres sensitifs et non-sensitifs. Mon individualité et mes représentations du monde, nées de mes limites physiques et intellectuelles, cessent d'entraver ma capacité à participer, moi-aussi, à la farandole extraordinaire de la vie sous toutes ses formes. Ainsi, prier c'est vivre pleinement dans l'harmonie.

Mais dès que la prière s'arrête, les sens reviennent à l'état normal. Cet état normal est construit sur des conceptions limitées et des représentations partielles. Cet état normal est mon obscurité fondamentale personnelle. Alors quand un désir émit pendant la prière voit sa réalisation, l'état sans limite que j'ai expérimenté pendant la prière surgit dans mon petit univers bien normal. Je suis soudainement submergé par ce souvenir et tout devient merveilleux tout au long du temps de la réalisation de mon désir. D'un seul coup mon petit univers individuel est bousculé par la puissance de l'univers sans limite. Le vertige, le décalage entre la vie de l'univers et la mienne, est tel, que je ne peux me résoudre à croire que je suis l'artisan de ce bonheur... Alors je cherche la réponse dans une réalité qui me dépasse, et donc Dieu, ou le divin, m'apparaissent comme une réponse satisfaisante et un soulagement.

Pourquoi cette diversion est-elle si simple ? Pourquoi cette réponse divine d'une réalité transcendantale nous vient-elle si naturellement ? Parce que nos conceptions limitées, nos représentations partielles, reposent sur notre volonté intérieure et inaltérable à vouloir contrôler notre environnement afin d'échapper à la souffrance sous toutes ses formes. Notre obscurité fondamentale, notre ignorance du monde, est entièrement nourrie par cette insatiable volonté de puissance. Et plus nous avançons, plus nous découvrons le monde, plus la volonté s'exerce car plus il y a de choses qui semblent incontrôlables et de souffrances qui nous menacent. Ainsi nous inventons du divin afin d'enfermer intellectuellement ce trop plein de l'univers qui nous choque, qui annule nos conceptions, qui nous poussent à nos limites, qui atomise notre représentation... Sans cesse, nous bataillons pour maintenir la réalité telle que nous la voulons, au lieu de l'accepter telle qu'elle est.

Cette lutte, cette guerre permanente, se manifeste comme une tension continuelle dans notre vie quotidienne. Et bien souvent, nous cédons à cette tension en manifestant les trois poisons de l'existence : aveuglement, voracité, rage. Parfois nous portons le combat intérieur dans le champs extérieur de notre quotidien. Parfois, nous contenons la bataille à l'intérieur et elle nous consume et nous endommage au point de nous faire perdre la raison. Dans une telle obscurité, le moindre point de lumière, la moindre bonne nouvelle, est comme un éclair dans la nuit, soudain, inespéré, magique...

La prière apaise et dissout la tension du combat intérieur. Elle oblige l'ensemble des désirs et des conceptions qui nous habitent et nous définissent à s'orienter vers l'objet de culte. Tout ce qui nous fait en tant que personne s'organise selon un schéma pacifique et harmonieux qui n'oublie personne, n'élimine personne, ne cache rien. La prière est ce pouvoir tant attendu qui permet de remettre de l'ordre dans le chaos et de s'éveiller au fait que mon ordonnancement personnel participe aussi à la marche de l'univers. Quels que soient les motifs, la colère s'éteint, l'avidité s'étanche et la bêtise se dissipe pour laisser voir l'univers comme un incroyable réseau de liens, à la manière des oiseaux qui perçoivent des routes dans le ciel, où les pisteurs qui voient sur le sol nu des chemins.

La prière est le moteur. La prière est l'instrument qui me guide dans l'infinie diversité de la vie. La prière n'est pas le résultat de la croyance, elle est la manifestation de la foi. En récitant Nam Myoho Renge Kyo, je m'entraîne chaque fois davantage dans l'harmonie avec le reste du monde. Ce chemin n'est pas immédiat. Il commence, il se poursuit. Parfois il s'arrête, pour recommencer plus tard, plus loin. Plus je m'entraîne, plus je découvre et plus je grandis. Si l'univers est sans limites, alors je le suis aussi. Et je n'ai plus peur. Car la prière abolit la peur, terrasse l'illusion et me libère du regard atrophié, mesquin et angoissé que je portais sur moi et sur le reste du monde. Et quand je m'arrête de prier, l'écho continue de faire résonner son œuvre tout au long de mon jour comme la vibration d'un gong qui ne diminuerait jamais.

Alors nul besoin de Dieu ou de magie. Le miracle est là, et il est permanent.