L'argent appartient à ces sujets qui, comme les oursins, sont difficiles à attraper sans s'y piquer. Alors qu'il s'agit, dans nos sociétés libérales et capitalistes, du nerf de la guerre comme de la paix, le sujet reste muet et personne n'ose vraiment répondre aux questions soulevées quant à la place de l'argent dans le bouddhisme.
Le bouddhisme considère le monde qui nous entoure selon une double perception. Celle du simple mortel ne voit que l'apparence des choses et la force des désirs. Celle de l'éveillé ne voit que la nature fondamentale des choses et la force de la croyance. L'argent (dont je parlerais dans un prochain article sur le Forum du bouddhisme Soka) est une affaire de croyance. On peut même dire que l'argent n'est que croyance.
Quand vous donnez un billet de banque de cinq euros à votre boulanger contre une baguette de pain et des croissants (et la monnaie... merci !), il croit, à raison, que la banque acceptera le billet de banque et qu'ainsi elle créditera une ligne de compte portant son nom dans ses registres de la dite somme. D'un côté vous donnez du papier imprimé dont l'utilité première est indéfinissable, de l'autre vous recevez une baguette de pain et des croissants que vous pouvez manger et qui vous nourrissent. L'argent est donc une promesse commune (celle de la banque, celle de l'état, la vôtre et celle de toute la population du pays) que la valeur du vulgaire bout de papier sera respectée par tous. Tel est le pouvoir symbolique de l'argent...
Cette vision simple et dénuée de subtilités est une vision «éveillée» de l'argent.
Pourtant, l'illusion est forte de croire que l'argent a un pouvoir particulier. Avec 5 euros, c'est la baguette et les croissants. Avec 50 euros, ce sera le bloc de foie gras et la bouteille de champagne. Avec 500 euros, ce sera une semaine à Marakesh. Et que dire de 5 000, de 50 000 ou de 500 000... La valeur symbolique se confond alors avec la valeur d'achat. L'argent n'est plus un moyen commode pour échanger des biens. Il devient une échelle de valeur, un mètre étalon, une référence matérielle. L'argent du simple mortel est la promesse de la liberté, de la libération des servitudes et des limites. En avoir ne signifie pas seulement être riche. En avoir donne la mesure du pouvoir personnel, de la liberté vis-à-vis des règles et des conventions, de l'indépendance par rapport aux autres et à l'environnement.
La vision du simple mortel fait de l'argent son maître, la force vive de sa vie et la cage dorée qui l'emprisonne.
Ainsi l'argent n'est ni bon, ni mauvais. Tous ceux qui se savent condamnés par la médecine ou qui sont accablés par l'isolement et la misère du cœur savent bien que l'argent ne fait pas le bonheur pas plus qu'il n'y contribue. L'argent est un commodité intelligente et collective qui démontre notre génie humain et notre capacité à croire ensemble à un même principe symbolique. L'argent n'est pas chargé de peine, ni de mérite, ni d'autre vertu que celle d'être suffisamment léger et mobile pour faciliter la vie de tous et de toutes dans leurs relations d'échanges commerciaux. Le profit réside donc dans la qualité propre de l'argent et non dans ses quantités. La liberté provient alors de notre capacité à ne pas lui attribuer d'autre vertu et à en faire usage selon une ligne de conduite, une éthique, une conscience motivée par l'éveil et la bienveillance. La liberté repose également sur la responsabilité personnelle d'accepter les règles d'usage qui entourent l'argent : ne pas en déposséder autrui par la force ou par la ruse. Cela signifie d'accepter de jouer le jeu du monde du travail, des entreprises et de l'économie tant que ces dernières ne dérogent pas à ces mêmes règles communes.
Il ne tient qu'à chacun de nous que l'argent ait une valeur. Sans notre croyance, l'économie monétaire s'écroule. Sans notre adhésion, les systèmes bancaires disparaissent purement et simplement. Sans argent, ce qui se nourrit de l'argent meurt. Il convient donc d'apporter le plus grand soin aux activités commerciales, aux transactions, aux achats et aux ventes que nous faisons, si petites, si ridicules soient-elles.
Quand Nichiren recevait des dons, il ne manquait jamais de les mentionner en tête de lettre afin, à la fois, de confirmer leur livraison et de démontrer sa reconnaissance pour le don ainsi fait. Et lorsqu'il lui était demandé s'il fallait exiler ou massacrer les mauvais moines et les diffuseurs de croyances erronées, il répondait qu'il suffisait seulement de ne pas leur faire de dons d'argent. Cette leçon vaut pour les temps modernes et pour d'autres diffuseurs d'illusions et marchands de bonheurs improbables...
La relation à l'argent est terriblement compliquée et nécessite une constante remise en question. Elle est source de terribles angoisses et en des temps comme les nôtres, cette relation est une authentique et légitime souffrance. Il est donc important de la rendre la plus claire possible. Ni mépris, ni désir ne sont nécessaires vis-à-vis de l'argent. Comme l'électricité, l'argent est partout. Il dépend de chacun de nous d'en tirer bénéfice, mais dans une mesure humaine, sans excès. Des trois trésors, celui du grenier a moins de valeur que celui du corps, qui en a moins que celui du cœur. Mais il n'en demeure pas moins un trésor. Ce qui est donc important, ce n'est pas, à mon avis, le regard du bouddhiste sur l'argent, mais comment nous définissons un trésor...
La fin du monde
Il y a 11 ans
3 commentaires:
L'argent ne contribue pas au bonheur, au cas où vous ne l'auriez pas encore compris...
Bonjour Mr Xavier
Pourriez-vous me communiquer le lien vers votre explication sur l'argent SVP
Merci d'avance
mon email: dentaiwear@yahoo.com
correction:
mon email: dentalwear@yahoo.com
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